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15 décembre 2017

Revue TELECOM 187 - Les nouveaux réseaux radio pour le monde de l'énergie

LES NOUVEAUX RESEAUX RADIO POUR LE MONDE DE L'ENERGIE

 

Par Benoît Ponsard (1991) dans la revue TELECOM n° 187

 

L'Internet des Objets a fait émerger une grande variété de nouveaux systèmes radio parmi lesquels les Low Power Wide Area Networks (LPWAN) qui conjuguent à la fois une grande distance de communication et une très faible consommation. Cela les rend intéressants pour superviser des infrastructures électriques où, paradoxalement, il est souvent nécessaire d'envoyer des messages justement quand il n'y a plus d'alimentation. Trois exemples d'usages sont présentés ici.

 

LPWAN : des réseaux d'un nouveau genre

Le terme LPWAN a été forgé, en 2013, par les analystes marketing pour nommer les nouveaux systèmes de communication radio bas débit, basse puissance et longue portée, généralement associés à l'Internet des Objets (IoT en anglais). Différentes solutions radio (voir figure ci-contre) ont vu le jour : les portées y atteignent quelques centaines de mètres pour les évolutions des protocoles PAN ou LAN et jusqu'à quelques dizaines de kilomètres pour les systèmes Low Throughput Network1. Les puissances consommées rendent possible l'alimentation sur piles, avec une autonomie pouvant dépasser les dix ans. Techniquement, toutes ces solutions se basent sur une optimisation de la radio et sur une simplification du protocole de communication entre les objets connectés et les stations de base.

 

 

 

 

                                                    Technologies pour la connectivité des objets

 

Dans le cas du système proposé par la société Sigfox, ce principe général est démultiplié par l'utilisation, dans les stations de base, de techniques de radio cognitive pour écouter en permanence toute la bande spectrale opérationnelle : les objets peuvent alors émettre sans synchronisation ni en temps, ni en fréquence. La complexité de protocole, inhérente aux systèmes de communication radio, est alors reportée vers les stations de base et le cœur de réseau. Cette approche est à l'opposé de la tendance générale observée dans les réseaux radio où les dernières décennies ont vu l'augmentation régulière de la complexité des terminaux. Cela permet d'envisager des modules de communication coutant seulement 20 c 2.

 

Des radios faible consommation même dans les réseaux électriques

Les réseaux de distribution d'énergie (électricité, gaz, chaleur) sont des infrastructures déployées sur des grands territoires : leur surveillance en temps réel ne peut se faire qu'avec des réseaux de communication couvrant eux aussi de grandes étendues. Paradoxalement, les solutions LPWAN sont particulièrement intéressantes pour la surveillance à distance des infrastructures de distribution électrique moyenne et basse tension car leur faible consommation électrique les garde en fonctionnement complet, même durant de longues coupures électriques. Trois cas d'usage sont présentés ci-dessous.

 

Détecteur de défaut de ligne connecté

 

Indication de défaut

Ce cas concerne la localisation de coupure sur le réseau électrique moyenne tension. La méthode actuellement déployée s'appuie sur des voyants installés à chaque point singulier du réseau de distribution. En cas de coupure en aval, le changement d'état des voyants est repéré par un technicien qui doit physiquement inspecter toutes les lignes jusqu'à trouver le défaut. En cas d'incident climatique important, la recherche de panne est longue et fastidieuse.

Les réseaux LPWAN offrent une alternative particulièrement intéressante pour ce cas d'usage. L'alarme présente sur un point singulier du réseau est transmise par radio, même en cas de coupure générale d'électricité. La supervision d'une zone entière de distribution électrique est centralisée. La faible consommation des capteurs/transmetteurs apporte une autonomie de plusieurs années sur batteries ce qui réduit d'autant les tournées de maintenance. La forte capacité des systèmes LPWAN les rend efficace même en cas de crise où un grand nombre d'alarmes arrive en même temps.

 

Supervision des transformateurs haute tension

Dans les réseaux électriques de transport nationaux et internationaux, la tension de chaque ligne est optimisée en fonction de sa longueur et de sa charge. Les transformateurs haute/moyenne et moyenne/basse tension participent à cet optimisation globale. A titre d'exemple, le réseau français contient un million et demi de tels transformateurs qui doivent être supervisés 24h/24 pour garantir la qualité de service attendue par les consommateurs.

Dans le cas particulier des transformateurs à bain d'huile, un détecteur spécifique (relais Buchholtz) surveille la pression d'huile et l'éventuel phénomène d'ébullition en cas de surchauffe. L'installation de modules de communication LPWAN sur les relais Buchholtz permet de s'affranchir facilement des problèmes d'isolation liés à la haute tension, tout en garantissant des communications radio fiables même pour des systèmes semi-enterrés ou installés dans un environnement peu propice à la propagation des ondes radio.

 

Supervision du réseau basse tension

Le développement des installations de production locale intermittente (en particulier les éoliennes et les panneaux photovoltaïques) rend le réseau de distribution électrique basse tension plus instable et son équilibrage plus délicat. La supervision de la tension et du courant en de nombreux points du réseau basse tension permet d'assurer l'équilibrage du réseau, mais cela nécessite des réseaux de communication aux caractéristiques particulières. Ces réseaux doivent transmettre de petites quantités de données sur de grandes distance, avec un très grand nombre de points à connecter (plusieurs dizaines de milliers par station de base). Leur charge est faible puisque la quantité de données transmise pour chaque point est très réduite. Ces exigences, souvent vues comme contradictoires pour des réseaux de communication classiques, sont compatibles avec les caractéristiques des systèmes LPWANs qui, justement, ont été conçus pour transporter ce type de flux.

 

Et bien plus encore …

Ces trois exemples montrent comment les techniques de communication LPWAN peuvent répondre aux besoins de communication des réseaux de distribution électrique De nombreux autres cas d'usage existent, tels que l’éclairage public, la relève à distance des compteurs, le délestage ou le téléchargement de paramètres. Plus globalement, les réseaux LPWAN apportent des solutions de connectivité intéressantes, dès qu'il y a peu d'informations à transmettre sur de grandes distances, avec peu d'énergie à dépenser dans les objets ainsi connectés. 

 

1/ LTN est le nom donné par l'ETSI à des systèmes LPWAN aux caractéristiques techniques similaires (topologie, bilan de liaison, capacité, accès, résistance aux interférences, bandes spectrales, …)                        2/https://www.itworld.com/article/3226476/internet-of-things/sigfox-shows-20-cent-iot-wireless-module.html

 

Biographie de l'auteur

 

1985 : Dassault AT, Philips PCC, Mediamobile - ingénieur R&D

2000 : Orange - responsable département

2004 : ENSIMAG - professeur associé

2009 : créateur société Kimeggi - conseil M2M et IoT

2014 : SIGFOX - Directeur de la Standardisation

Formation initiale :

Ingénieur Supélec (85), Docteur Telecom ParisTech (1991)

 www.sigfox.com

benoit.ponsard@sigfox.com

 

 

Auteur

Benoît Ponsard (1991)

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