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18 avril 2021

La 5G « pour les nuls » # 200

Par Bruno Cattan (1998)

Nouvelle technologie pour les réseaux de télécommunications mobiles, la 5G a été pensée et conçue par le 3GPP[1] pour dépasser les limitations des générations précédentes. Alors que le taux d’équipement mobile semble se stabiliser dans le monde et que la 4G n’est pas encore déployée partout, quelles sont les raisons qui ont motivé la genèse de la 5G et qui président aujourd’hui à son déploiement ?
 

UN RÉSEAU MULTI-SERVICES POUR DES NOUVEAUX USAGES

La 3G a permis l’avènement de l’Internet mobile et des smartphones, et la 4G celui d’un véritable haut débit en mobilité.

La promesse de la 5G s’inscrit certes dans la continuité de l’augmentation des débits, mais surtout dans celle de nouveaux usages et applications comme la ville intelligente, la voiture connectée, l’IoT de masse, ou encore la réalité virtuelle en temps réel.

Dans le contexte de la 5G, ces applications ont été classées afin de définir trois types de services, chacun étant caractérisé par un ensemble d’exigences de performances bien distinctes : l’enhanced Mobile Broadband (eMBB), l’ultra-Reliable Low Latency Communications (uRLLC), et le massive Machine Type Communications (mMTC).


Premier service spécifié par le 3GPP, l’eMBB poursuit l’amélioration des débits pour l’Internet mobile. Il répond au double objectif de passer d’un débit maximal de 1 Gbits/s en 4G à 20 Gbits/s en 5G, et d’un débit utilisateur moyen de 10 à 100 Mbits/s. Si cela ne constitue pas intuitivement un usage prioritaire sur des smartphones dont la taille d’écran reste limitée, l’augmentation des débits permet cependant aux opérateurs mobiles d’écouler davantage de trafic dans une même cellule, et par rebond d’optimiser l’usage de leurs fréquences.

La promesse d’un très haut débit n’est néanmoins pas compatible avec les exigences de très basse latence et d’extrême fiabilité de la communication que nécessite, par exemple, la voiture autonome ou des opérations de téléchirurgie - à moins de disposer d’une ressource infinie. C’est face à ce nécessaire compromis que l’uRLLC a été défini, avec le double objectif d’abaisser la latence de la communication jusqu’à 1 ms et de garantir une fiabilité de 99,999 % (contre 10ms et 99,9 % en 4G et 5G eMBB). Grâce à ces performances inédites, un réseau 5G rend dès lors possible de nombreux nouveaux cas d’usages dans l’Industrie 4.0, l’e-santé, ou encore le secteur des communications militaires.

Enfin, le mMTC vient compléter le potentiel de la 5G en autorisant la connexion simultanée de 106 objets par km2 au réseau - contre 104 en 4G et 5G eMBB - au prix cependant d’un sacrifice sur le débit disponible et la latence des communications. Le mMTC permet ainsi de faire advenir l’utopie du « tout-connecté » : ville, immeubles, vêtements, logistique, agriculture, etc., l’ensemble des objets et capteurs concernés n’émettant que de très faibles volumes de données sans besoin d’une interaction en temps réel avec le réseau ou les plateformes de services avec lesquelles ils communiquent.


UN NOUVEAU PARADIGME TECHNOLOGIQUE

Bien entendu, la promesse de telles performances a nécessité de repenser complètement le réseau et ses technologies sous-jacentes. Comme en 4G, un réseau 5G est « tout IP », c’est-à-dire que tout ce qui transite sur le réseau (voix et données) utilise les protocoles d’Internet. Pourtant, plus qu’une évolution de la 4G, la 5G est une véritable révolution technologique.

L’ensemble des constituants d’un réseau 5G diffère de ceux d’un réseau 4G : nouvelle architecture de cœur de réseau ; nouveaux protocoles d’échanges de données et de signalisation entre le terminal de l’abonné et le cœur de réseau ; nouvelles plages de fréquences ; nouvelle interface radio ; et nouvelles antennes intelligentes.

Cependant, la véritable révolution vient de l’implémentation des technologies NFV (Network Virtualization Function) et SDN (Software Defined Network) : un réseau 5G n’est plus à proprement parler composé d’équipements, mais de fonctions exécutées sur des machines virtuelles - elles-mêmes tournant sur des hardware standards -, et virtuellement déployables à tout endroit du réseau ! Dès lors, il devient possible d’adapter en temps réel la localisation des fonctions en selon les besoins des utilisateurs, et de gérer simultanément différents services (eMBB, uRLLC, mMTC) au sein d’une même infrastructure matérielle : c’est la notion clé de slicing, qui dépasse de loin celle des bearers définis depuis la 3G, et porte la promesse d’un réseau mobile réellement adaptatif.


LA 5G DANS TOUS SES ÉTATS

Concluons ensemble qu’il est indéniable que la 5G, par la modernité de son architecture et ses promesses de performances, semble particulièrement adaptée pour accompagner la transformation numérique de nos sociétés et répondre aux besoins croissants de l’économie, de l’industrie, et des services, dans un monde tout-connecté. C’est d’ailleurs en ce sens que de nombreuses initiatives institutionnelles ont été lancées en Europe depuis 2016 (5G-PPP, 5G-IA), afin d’accélérer son adoption et de maintenir la compétitivité de l’Union européenne. Pour autant, et au-delà des enjeux géopolitiques et économiques, cette nouvelle technologie suscite plus que jamais le débat au sein de notre société, voire la controverse.

C’est pour éclairer nos lecteurs de la façon la plus exhaustive et objective possible sur les nouveaux paradigmes technologiques de la 5G, ses applications, et les débats sociétaux qu’elle suscite, que nous avons préparé ce dossier. Assurément, la 5G est dans tous ces états !


Références
[1] 3rd Generation Partnership Project, organisation en charge de la spécification des standards de télécommunications mobiles, https://www.3gpp.org


 


Bruno CATTAN

Directeur des Nouvelles Applications chez l’opérateur satellitaire EUTELSAT depuis 2016. Il a travaillé plusieurs années dans l’industrie de la téléphonie mobile, puis il a rejoint le Groupe CANAL+ en 2005 où il a conduit de nombreux projets de transformation numérique, en France et à l’international. Alumni de l’Ecole Polytechnique et de Télécom Paris, il est également Vice-Président de Télécom Paris Alumni depuis juin 2020.

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