Retour au numéro
Partager sur :
Vue 659 fois
18 avril 2021

Le réseau cœur 5G, un réseau adaptable et auto-configurable # 200

 

Par Xavier Lagrange (1998)


Le réseau cœur 5G reprend beaucoup de principes de la 4G mais propose une approche nouvelle des interactions entre les fonctions


Architecture du réseau cœur 5G

Le réseau cœur 5G présente, en première approche, beaucoup de similarités avec un réseau cœur 4G. Il est découpé en entités fonctionnelles qui interagissent entre elles. Nous présentons les plus importantes ci-après :

  • La User Plane Function (UPF) s’occupe exclusivement d’acheminer les paquets de données utilisateurs à travers le réseau cœur ; elle permet l’interconnexion avec le plan de données du réseau d’accès radio et peut mettre en œuvre une fonction d’ancre, c’est-à-dire de passerelle vers un réseau de données externe (réseau Internet ou réseau privé).
  • La Session Management Function (SMF) contrôle un ou plusieurs UPF ; elle programme les UPF pour qu’une route soit établie, pour chaque terminal, entre la station de base où ce dernier se trouve et le réseau de données externe.
  • Le User Data Management (UDM) contient le profil des abonnés du réseau (leur droit d’accès) et les clés primaires de sécurité.
  • L’Authentication Server Function (AUSF) fournit des vecteurs de sécurité à la demande.
  • L’Access and Mobility management Function (AMF) dialogue avec le terminal via la station de base appelée gNB ; elle traite les événements de mobilité et les demandes d’accès au réseau faites par le terminal ; elle communique avec l’AUSF pour effectuer le contrôle d’accès, avec l’UDM pour récupérer le profil de l’abonné et enfin avec la SMF lorsque le terminal veut établir (ou relâcher) une session de données.

Architecture 5G simplifiée


La gestion des flux de données est semblable à celle faite depuis les réseaux de deuxième génération de type General Packet Radio Service (GPRS) : tout paquet IP à destination d’un terminal est placé dans un autre paquet dont l’adresse de destination est celle de la station de base (ici le gNB) où ce terminal se trouve. C’est le principe de la mise en tunnel. Il y a similairement une mise en tunnel pour les paquets IP émis par le terminal et possibilité de passer par un ou plusieurs UPF. L’apport de la 5G est de mieux séparer le plan de données (User Plane) et le plan de commande (Control Plane)[1] : les UPF sont restreintes au plan de données et sont entièrement sous le contrôle de la SMF. C’est cette dernière qui décide de l’établissement et de la libération de tout tunnel.


Interface orientée service

Dans les années 80-90, les réseaux étaient contraints à la fois par le débit des liaisons et par la capacité de traitement des nœuds. Pour chaque paire de nœuds (par exemple, une base de données et un commutateur) était défini un protocole spécifique adapté, visant à minimiser les informations transmises. Chaque information transmise (par exemple, l’identité internationale d’un abonné) était conservée dans le contexte lié au dialogue pour éviter sa retransmission. De plus, chaque fonction réseau était développée sur un matériel spécifique pour permettre une exécution rapide des traitements.

L’approche pour le plan de commande du réseau cœur 5G est radicalement différente : elle privilégie la généricité et l’absence de contexte. La première propriété permet de développer rapidement de nouvelles fonctions réseau, et la seconde de les fournir entièrement sous forme de logiciels exécutables sur des machines virtuelles.

Les échanges de signalisation dans un réseau cœur 5G reposent sur la notion d’interface orientée service ou Service Based Interface (SBI). Chaque fonction (e.g. la base des abonnés UDM) est un serveur qui fournit, potentiellement à toute autre fonction, un ensemble de services indépendants les uns des autres. Plus précisément, il y a deux types d’interactions : la réponse par le serveur à une requête qu’il reçoit (e.g. une requête peut être envoyée à l’UDM pour disposer du profil d’un abonné), et l’envoi d’une notification suite à la souscription d’un service particulier (e.g. une fonction peut demander à être notifiée par l’UDM à chaque fois qu’un client met en service son terminal).


Interfaces orientées services


Le paradigme REST

Les interfaces SBI reposent sur le paradigme REpresentational State Transfer (REST) et utilisent le protocole Hyper Text Transfer Protocol en version 2 (HTTP/2). Tout élément - un texte, une image, le profil d’un abonné, l’état allumé/éteint d’un terminal - est considéré comme une ressource qui est entièrement identifiée par un Uniform Resource Indicator (URI), qu’il est possible de créer, lire, mettre à jour et effacer par des commandes HTTP standards (e.g. GET, POST, PUT, etc.), et sans qu’aucun élément de contexte implicite ne soit nécessaire pour la préciser (dialogue sans état ou stateless). Chaque fonction réseau est utilisable via une Application Programming Interface (API) standardisée[2] et le serveur est sans état. Il est donc possible de démarrer ou d’éteindre des instances au fur et à mesure de l’évolution de la charge, ce qui apporte une propriété d’élasticité au réseau.


Découvertes des fonctions et accessibilité

Chaque instance d’une fonction réseau doit découvrir les instances disponibles des autres fonctions nécessaires pour lui fournir les services requis. Une fonction réseau assimilable à un annuaire est définie pour cela : la Network-function Repository Function (NRF). Toute nouvelle instance d’une fonction s’enregistre auprès du NRF et le NRF peut fournir, sur demande, les instances actives d’une fonction particulière. La sécurité est bien sûr un enjeu crucial et une authentification mutuelle est mise en œuvre préalablement à tout dialogue entre deux instances (par exemple l’UDM et la NRF). Grâce à ces principes, le réseau cœur 5G est auto-configurable.

Une autre nouveauté de la 5G est que le réseau peut délivrer à des fournisseurs de service tiers des informations de notification liées au contexte d’un terminal (mise en service, entrée dans une zone particulière, activation d’une session, etc.). Ces éléments de contexte sont connus de différentes fonctions (SMF, AMF) mais le tiers n’y accède jamais directement pour des raisons de sécurité : il s’adresse à la Network Exposure Function (NEF) qui fournit différents services de notification et qui, elle, peut communiquer avec toutes les fonctions du réseau.Le concept de Tranches (Slices)

La virtualisation des fonctions réseaux prend tout son intérêt avec la possibilité de déployer une « tranche » de réseaux, ou slice, dédiée à un domaine d’application ou spécialisée pour privilégier certains indicateurs de qualité de service. Chaque tranche est vue comme un réseau indépendant des autres même si les instances des fonctions de ces tranches s’exécutent dans un matériel commun. Une tranche peut, par exemple, être dédiée à des services de sécurité requérant une très basse latence.

En conclusion, et même s’il garde une gestion des flux traditionnelle, le réseau cœur 5G est une mise en œuvre concrète de tendances lourdes qui ont fait l’objet d’intenses recherches dans la dernière décennie : diffusion des technologies logicielles dans les réseaux, virtualisation, flexibilité, élasticité et programmabilité.

 

à retenir

Grâce à la notion d’interface orientée service qui repose sur des dialogues sans état et des APIs standardisées, le réseau 5G est adaptable et hautement configurable pour fournir une large panoplie de services avec des exigences de qualité de service très variées.

 

GLOSSAIRE

AF Application function

AMF Access and Mobility management Function

API Application Programming Interface

AUSF Authentication Server Function

eMBB enhanced Mobile Broadband

gNB 5th generation Node Base station

HTTP/2 Hyper Text Transfer Protocol en version 2

mMTC massive Machine Type Communications

PCF Policy Control Function

NEF Network Exposure Function

NRF Network-function Repository Function

NSSF Network Slice Selection Function

REST REpresentational State Transfer

SMF Session Management Function

UDM User Data Management

UPF User Plane Fonction

URI Uniform Resource Indicator

uRLLC ultra-Reliable Low Latency Communications

Références

[1] Une telle séparation est également possible en 4G, c’est la fonctionnalité Control User Planes Separation (CUPS)

[2] La spécification de l’ensemble des ressources est disponible à https://www.developingsolutions.com/RestDict/Topics/About.htm. Certaines fonctions ont été développées par l’IRT B<>Com et sont disponibles à https://5g.labs.b-com.com/

Xavier LAGRANGE
Ingénieur de l’École Centrale Paris et docteur de Télécom Paris, est professeur à l’IMT Atlantique. Il coordonne l’équipe de recherche Advanced Technologies for Operated Networks de l’IRISA. Il est l’auteur de plusieurs livres et de MOOCs de référence sur les réseaux mobiles ainsi que de nombreuses publications internationales.

 

 

Articles du numéro