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13 juillet 2020

Le confinement, accélérateur de numérisation de l’enseignement ?

Les huit semaines de confinement ont provoqué la numérisation éclair de l’enseignement grand public

Comme quelques centaines de milliers d’écoliers de son âge depuis le 19 mars, Lorène demande à son papa de lui donner le travail scolaire de la journée. Papa, en télétravail, récupère les instructions données par la maîtresse de Lorène. Très abruptement, la maîtresse et ses élèves ont dû passer du mode « présentiel » au mode « virtuel », ou plus précisément le mode « en ligne ». Et les enquêtes semblent indiquer que seulement 4 % des élèves se sont retrouvés dans le noir absolu, soit parce qu’il n’y avait pas d’équipement informatique dans leur famille, soit parce que le raccordement internet de leur lieu de confinement était déficient voire inexistant.


Cette rapide conversion est d’autant plus remarquable qu’elle a été brusque. Elle a fait l’économie de semaines de « conduite du changement » que pilotent les professionnels des projets d’entreprise, à grand renfort d’actions de formation et de communication. Alors que de très nombreuses entreprises sont déjà équipées de solutions bureautiques de base permettant le partage de fichiers, le travail collaboratif et les réunions virtuelles, le monde de l’éducation des jeunes n’avait aucune pratique de l’éducation en ligne. Quelques établissements ont pu préparer les enseignants pendant la semaine qui a précédé le confinement. Tous les professeurs d’école, de collège et de lycée ont plongé dans le mode en ligne d’un coup, sans opération pilote et quasiment sans formation.

Ils ont dû se débrouiller avec les moyens du bord. À part peut-être dans l’enseignement supérieur, les outils informatiques étaient inexistants ou inadaptés. Avec sa solution École Directe, le groupe Aplim revendique d’avoir assuré la continuité pédagogique d’un million et demi d’élèves. La réalité est hélas bien plus simple. Dès le 17 mars, la plate-forme s’est écroulée sous la demande de trafic. Parents et professeurs, déjà lassés de la lenteur et l’ergonomie déficiente de la plate-forme en temps ordinaire, se sont rabattus sur le courrier électronique de base.

Les professeurs d’école ont semble-t-il envoyé des courriers électroniques quotidiens à leurs élèves. Ils leurs donnaient des instructions de lecture des livres de classe, et portaient en pièces jointes leurs propres éléments pédagogiques, patiemment transcrits à l’aide d’un scanneur grand public. Ceux qui avaient eu une petite formation informatique parvenaient à produire des fichiers PDF de plusieurs pages, sinon il fallait se contenter d’un lot de documents d’une page chacun. Çà et là, la diffusion était assurée par un parent délégué un peu dévoué, afin de garder confidentielle l’adresse électronique du professeur. On ne m’a pas rapporté d’exemples de mise à disposition d’un espace documentaire simple à consulter. Les documents audiovisuels étaient transmis par le même moyen, sauf parfois certaines vidéos grand public via des grandes plates-formes.

La plate-forme Zoom a connu une forte accélération dans les entreprises et même dans les administrations, révélant ainsi sa facilité d’utilisation mais aussi ses failles de sécurité, dues en grande partie à la mauvaise compréhension de certains utilisateurs. Cette plate-forme a pu convaincre des collèges et des lycées. Mais d’autres ont porté leur choix sur Discord, une solution à l’ergonomie très performante, conçue initialement pour les adeptes de jeux sur informatique et en ligne. La solution facilite les échanges entre chaque élève et son professeur, en sorte que l’interaction est très proche du mode présentiel.

Les esprits chagrins reprocheront à l’Éducation nationale et à ses grands fournisseurs de n’avoir pas offert de solution d’enseignement à distance en prévision d’une telle crise. Rappelons que le paradigme de référence pour l’enseignement primaire et secondaire, c’est le cours en présentiel. Les outils numériques sont un appui à ce mode d’enseignement, non pas un canal de remplacement. Espérons toutefois que cette expérience largement partagée dans la population augmentera sa compétence et ses exigences sur les outils de partage documentaire, d’enseignement et d’évaluation pédagogique en ligne.

Auteur

Médiateur scientifique, ancien professeur de physique chimie et ancien consultant en management et en systèmes d'information

Après une expérience de trente ans de conseil en gestion et systèmes d'information, j'ai décidé d'animer ma retraite en prenant un poste vacant de professeur de physique et chimie en lycée. Ayant désormais atteint l'âge limite pour un emploi public, j'effectue quelques missions de médiation scientifique.

Comme détaillé dans mon ouvrage l'Heure milésienne, paru en janvier 2017, je m'intéresse également à la compréhension et à la maîtrise du cycle des saisons, et propose le calendrier milésien comme référence des analyses climatiques, scientifiques, historiques liées au cycles des saisons, en variante à notre calendrier grégorien.

Français, anglais, allemand. Voir les 3 autres publications de l'auteur

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