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13 juillet 2020

La HandiTech, un espoir pour l'inclusion sociale des personnes en situation de handicap mental, cognitif ou psychique

S’il peut parfois exclure lorsqu’il n’est pas pensé « accessible », le numérique s’impose en réalité comme un allié incontournable pour favoriser l’inclusion sociale des personnes en situation de handicap. Pour preuve, l’émergence de la HandiTech, une filière prometteuse qui répond au besoin d’autonomie et d’inclusion des individus par l’utilisation d’outils numériques de compensation : les « assistive technologies ». Une belle illustration de l’« empowerment » des individus rendu possible par le numérique.


16% de la population

En France, près de 11 millions d’enfants, d’adultes et de seniors présentent une forme de handicap mental, cognitif et/ou psychique (dont 93% avec des formes légères à moyennes) [1]. Ces différents handicaps peuvent être la conséquence de troubles neurodéveloppementaux (autisme, déficience intellectuelle, troubles de l’apprentissage…), d’accidents (lésions cérébrales suite à un accident cardio-vasculaire, traumatismes…) ou encore de maladies neurodégénératives (démence, Alzheimer, Parkinson, Huttington…).

Au quotidien, on recense un large spectre de difficultés générées par ces handicaps : altérations de la communication, du langage, du raisonnement, de la compréhension, de la mémoire, de l’attention, de la perception du temps et de l’espace ou encore des interactions sociales.

Apports du numérique dans le champ du handicap

Les handicaps mentaux, cognitifs et/ou psychiques engendrent un manque d’autonomie et un besoin d’assistance qui renforcent la dépendance à l’aidant – qu’il soit aidant familial ou aidant professionnel - ainsi que l’exclusion sociale de l’individu au sens large. Or, plusieurs études ont démontré que les outils numériques, et en particulier les technologies tactiles, peuvent être des leviers d’émancipation et d’inclusion sociale pour les personnes en situation de handicap. Avec des logiciels adaptés, les robots, tablettes tactiles et smartphones deviennent des outils de compensation (en anglais « assistive technologies »), véritables béquilles qui prolongent la présence de l’aidant tout en guidant pour faire par soi-même, c’est ce que l’on appelle l’« empowerment » de l’individu.

Ergonomiques, mobiles, ludiques et non stigmatisants, les outils numériques tactiles en particulier proposent une interaction simple et extrêmement intuitive même pour des publics très déficitaires. La plasticité cérébrale, la réserve neuronale et la mémoire de chaque individu lui permettent d’apprendre à tout âge, pour peu que les méthodes et outils lui soient adaptés et personnalisés. Là où le handicap perturbe les relations sociales et génère un isolement fort, la médiation de la machine permet la mise en place de liens et de codes sociaux.

La littérature scientifique met en évidence que, grâce à des logiciels spécifiques utilisés lors d’entraînements adaptés, des personnes présentant des troubles cognitifs légers à moyens peuvent par exemple améliorer leur mémoire (Günter et al., 2003). Des personnes âgées peuvent ralentir le déclin de leurs capacités cognitives (Advanced Cognitive Training for Independent and Vital Elderly, Indiana University, 2006). Des personnes avec autisme vont améliorer leur capacité à interagir avec les autres et à s’adapter à des situations sociales (Lainé, Rauzy, Tardif, & Gepner, 2011). Des personnes aphasiques ou non verbales vont communiquer avec n’importe quel interlocuteur grâce à des images et à la voix de synthèse de leur tablette (Marshall, Caute, Chadd, 2019). Des personnes déficientes intellectuelles vont apprendre à réaliser des actions du quotidien en autonomie grâce à l’utilisation de séquences (sortes de tutoriels simplifiés) et d’un emploi du temps visuel (Ayres, Mechling, Sansosti, 2013), ouvrant une porte sur l’utilisation du numérique pour augmenter leur l’employabilité.

De fait, la flexibilité offerte par les logiciels permet d’adapter l’ergonomie et le contenu des outils à chaque individu en fonction de ses capacités, besoins, sensibilités et de son environnement. Cette personnalisation des outils est un enjeu majeur pour faire face à la diversité des profils et de situations socio-culturelles adressés.

De surcroît, les outils réalisés avec une exigence de conception et diffusion universelle seront bénéfiques pour des publics plus larges (personnes âgées, illettrées, touristes ne maîtrisant pas notre langue…).

Un enjeu éthique mais aussi socio-économique

Véritables soutiens aux apprentissages, à l’organisation, à la communication, au travail et aux loisirs, les outils numériques de compensation représentent un levier efficace et non stigmatisant pour être mieux intégré en société et plus autonome au quotidien.

L’utilisation des outils numériques par les personnes handicapées permet non seulement d’améliorer leur qualité de vie au quotidien et un mieux-être pour elles et leurs proches, mais également de réduire les coûts socio-économiques afférents à l’exclusion sociale (paupérisation [2], commorbidités…) et à la prise en charge spécifique (établissements médico-sociaux, assistance…). En France, ces coûts directs sont de 67,1 milliards d’euros [3], un chiffre qui ne cesse de croître chaque année.

La HandiTech : une filière d’avenir à consolider

Plus de 200 produits et services sont proposés chaque année lors du Handitech Trophy, preuve d’un écosystème français florissant en matière d’innovation au service du handicap. Si plusieurs solutions ont démontré leur intérêt à l’échelle locale, elles peinent souvent à trouver le chemin de la mise à l’échelle, faute d’acculturation et de budget fléché au sein des établissements médico-sociaux. (voir pour inspiration le modèle du PMATCOM au Québec [4]).

En France, des organismes comme le Syntec Numérique, La Handitech ou le Comptoir des Solutions recensent les innovations existantes et agissent pour le développement de la filière. Le gouvernement ainsi que certaines collectivités ont lancé plusieurs programmes de soutien et affirment vouloir investir sur ces outils. Peut-être qu’en complément de la démonstration de l’apport neuroscientifique, une quantification précise de l’impact socio-économique de chacune de ces solutions pourrait enfin permettre une accélération massive de la diffusion des innovations HandiTech françaises auprès des bénéficiaires ? Faute de données et au vu de la multiplicité des situations d’accompagnement, cela semble difficile dans l’immédiat. Pourtant, ainsi que le souligne l’Organisation Mondiale de la Santé [5], et, comme on a pu le constater dans le champ du handicap sensoriel, elles seront un appui incontournable pour répondre aux défis de l’inclusion sociale des personnes en situation de handicap mental, cognitif et/ou psychique..


 

Sarah CHERRUAULT-ANOUGE

Business développeur en e-santé diplômée de Institut Mines-Télécom Business School (2013), Sarah dirige aujourd’hui Auticiel, une start-up qu’elle a cofondé tout en travaillant à la Direction de l’Innovation de l’Institut Mines-Télécom. Administratrice du Hlab et co-fondatrice du Groupe de Travail « Handicap et Numérique » du Syntec Numérique, elle s’investit pour l’ESS, la TechforGood, et l’entrepreneuriat féminin.



Startup de l’Economie Sociale et Solidaire (ESUS) qui conçoit des solutions numériques pour développer l’inclusion sociale et l’autonomie des personnes en situation de handicap cognitif et/ou mental (autisme, déficience intellectuelle, trisomie 21…).

Véritables outils d’assistance et d’apprentissage, les applications AMIKEO® d’Auticiel aident enfants et adultes à communiquer, se repérer dans le temps, effectuer des tâches en autonomie ou encore travailler. Très personnalisables et intuitives, elles s’adaptent aux besoins et aux capacités de chacun. Les applications du programme AMIKEO® ont été conçues, testées et validées par l’équipe pluridisciplinaire d’Auticiel en collaboration avec un comité scientifique et éthique, des bénéficiaires, leurs familles et des associations d’usagers.

auticiel.com
200 000 utilisateurs en France et au Canada
350 établissements médico-sociaux équipés et formés.


Selon l’Organisation Mondiale de la Santé

« L’accès à différents services et technologies est souvent une condition nécessaire pour que les personnes handicapées puissent se rendre au travail, participer à la vie de la communauté et accéder aux soins de santé, et pour que les enfants handicapés puissent aller à l’école. (…) les aides techniques se révèlent de puissants outils pour améliorer l’autonomie et la participation de la personne avec handicap. Elles peuvent remplacer ou compléter des services d’appui, avec, à la clé, une probable baisse du coût des soins ».5


Références

1« Handicaps et usages - Fiche n°1 - Handicaps mentaux, cognitifs et psychiques, quelles pistes pour améliorer l’accessibilité ?– Cerema, Collection Connaissances, oct 2013. Lien : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/CEREMA, Handicaps mentaux, cognitif et spy, MAJ d’oct 2013.pdf

2 La moitié des personnes handicapées ont un niveau de vie inférieur à 1 540 euros par mois, soit près de 200 euros de moins qu’une personne valide. Plus le handicap est sévère, plus le revenu est faible et le niveau de pauvreté élevé. Source : « Le handicap expose à la pauvreté et aux bas niveaux de vie », Observatoire des Inégalités, 6 octobre 2017. Lien : https://www.inegalites.fr/Le-handicap-expose-a-la-pauvrete-et-aux-bas-niveaux- de-vie

3 Dépenses liées à la perte / au manque d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées en 2017. Source: Chiffres clés de l’aide à l’autonomie, CNSA, citant des données de la LFSS 2019.

4 Le programme ministériel québécois des aides techniques à la communication (PMATCOM): www.pmatcom.qc.ca permet de prêter des équipements pour pallier certaines incapacités de personnes de tous âges en situation de handicap: déficience motrice, déficience du langage, déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme.

5 Projet de plan d’action mondial de l’OMS relatif au handicap 2014-2021- Un meilleur état de santé pour toutes les personnes handicapées, Organisation Mondiale de la Santé, 2016

Source: http://www.who.int/disabilities/actionplan/fr/

 

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Auteur

Sarah Cherruault-Anouge

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