Retour au numéro
Partager sur :
Vue 47 fois
15 décembre 2017

Revue TELECOM 187 - DiagSign une méthode innovante pour la Génération Automatique de Features appliquée à l'Industrie 4.0. Les data révèlent-t-elles toute l'information cachée ?

Publié par Katia Hilal (1990) et Mazen Alamir | N° 187 - Energies, les ruptures - L'intelligence artificielle

DIAGSIGN

Une méthode innovante pour la génération automatique de Features appliquée à l’Industrie 4.0. Les data révèlent-t-elles toute l’information cachée ?

 

Par Katia Hilal (1990) et Mazen Alamir dans la revue TELECOM n° 187

 

Une des applications phare de l’Intelligence Artificielle dans un contexte industriel est la maintenance prédictive d’équipements connectés. Dans ce contexte, nous sommes souvent confrontés à des signaux temporels où l’information clef servant à estimer l’état de santé de l’équipement ne s’exprime que durant de courtes phases transitoires et est ainsi difficile à extraire et à interpréter.

 

Dans l’industrie, le processus classique de la conception au déploiement d’une solution de maintenance prédictive est représenté ci-dessous.

Les données issues des capteurs servent à alimenter un algorithme de Machine Learning qui produit un modèle censé être capable de prédire l’état de santé de l’équipement en interprétant les données qui lui seront injectées en mode production.

 

Le Feature Engineering

Ce schéma passe par une phase structurante de Feature Engineering qui consiste en la préparation de ces données afin d’en extraire les caractéristiques exprimant au mieux le comportement à apprendre. La qualité de cette phase influe directement sur la pertinence des prédictions qui seront réalisées par la suite.

Dans un contexte de maintenance prédictive, les données sont issues de capteurs de diverses natures (signaux électriques, signaux de vibration, température, etc.). Elles se présentent souvent sous forme de séries temporelles comportant des phases transitoires courtes et pour lesquelles la phase de Feature Engineering est généralement réalisée par un processus manuel long et fastidieux. Elle mobilise des experts spécialisés de ce type d’équipement qui effectuent toutes sortes de transformations connues sur le signal : transformées de Fourrier, moyenne, etc., afin de fournir à l’algorithme des entrées qui distinguent un comportement normal ou défectueux.

 

 

 

 

 

 

 

 

Prenons un cas réel de suivi du vieillissement d’un contacteur électrique en milieu industriel. Le contacteur sert à allumer ou éteindre des sections entières d’un atelier industriel et il est important de s’assurer de son bon état de fonctionnement car une panne résulterait en une interruption de production pour un atelier et potentiellement un coût important pour l’industriel.

Si nous observons à l’œil nu le signal de décharge du condensateur lorsque le contacteur s’éteint, nous constatons que pour un contacteur neuf et pour un contacteur en quasi fin de vie, ces deux ne permettent pas à priori de déterminer l’âge ou l’état de santé du contacteur (voir le schéma ci-dessous pour un contacteur ayant effectué de 17500 à 68600 cycles, sachant que sa fin de vie est arrivée au 73900e cycle). De plus ce signal qui ne dure que 20 ms ne permet pas d’extraire les informations pertinentes nécessaires par les méthodes habituelles.

Les tentatives d’automatisation de la Feature Generation ont consisté à utiliser un catalogue des méthodes citées plus haut en les parcourant exhaustivement pour ainsi générer une centaine de caractéristiques au plus. Les résultats restent limités aux performances de ces méthodes de départ, et n’améliorent pas le cas des périodes transitoires par exemple.

 

L’innovation DiagSign pour la génération automatique de features

Combinant une intuition de chercheur et une expertise de plusieurs années au sein du laboratoire CNRS Gipsa lab de Grenoble, la technologie DiagSign utilise une méthode purement mathématique pour générer automatiquement des features pertinentes et est parfaitement adaptée aux signaux transitoires. Les features ainsi générées sont très riches (il est possible d’en générer des milliers), très rapides à calculer et hautement discriminantes. En outre, DiagSign s’affranchit du type du signal, et n’a pas non plus besoin de savoir à quel équipement l’outil s’adresse !

Pour la série de données issue du contacteur électrique, la première analyse (faite par la méthode traditionnelle) montre que ce signal pourrait contenir une centaine de caractéristiques originelles dont 22 combinaisons sont discriminantes (chacune exprimant une caractéristique distincte du signal). Après un traitement par DiagSign, nous avons généré 400 features dont 80 sont discriminantes. Nous avons donc presque trois fois plus de caractéristiques distinctes pour alimenter l’algorithme de Machine Learning..

En observant -sur la partie inférieure de la figure ci-dessous- l’évolution des features générées par DiagSign au cours de la vie du contacteur nous détectons vers la fin de vie un comportement de dérive très distinct pour un certain nombre d’entre elles.

Le modèle de prédiction issu de l’apprentissage supervisé sur les features de DiagSign donne des résultats nettement plus probants, avec, pour cet exemple, un écart type sur l’erreur de prédiction deux fois plus faible (17% au lieu de 33% comme le montre la figure ci-dessous.

Avec l’algorithme innovant DiagSign il est donc possible de révéler les caractéristiques les plus discriminantes d’un signal afin de générer le modèle de maintenance prédictive, et ce, pour tout type d’équipement ou de signal tout en évitant la phase « manuelle ». Le gain en temps pour la préparation des données est significatif : la phase de feature engineeing et d’élaboration du modèle qui durait plusieurs mois peut désormais se faire en quelques jours seulement et avec une fiabilité accrue des prédictions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise sur le marché

Cette technologie, maintenant complétée par un ensemble de solutions de maintenance prédictive, est en cours de transfert vers la start-up Amiral Technologies via l’incubateur public SATT de Grenoble. La start-up se positionne comme apportant une valeur ajoutée unique, en particulier en apprentissage ultra rapide et en conception de modèles de maintenance prédictive avec apprentissage supervisés ou non supervisés en quelques jours, modèle qui sera validé par les experts métiers mais qui s’affranchit de la phase fastidieuse en amont.

Les applications sont multiples et Amiral Technologies, en partant de DiagSign, a élargi son offre en constituant un catalogue de modèles :

• Détection de comportement défectueux d’un équipement

• Détection de signes de vieillissement d’un équipement

• Prédiction de fin de vie d’un équipement

• Désagrégation non intrusive des consommations électriques (NIALM) pour déterminer le comportement des équipements individuels contribuant à la consommation globale dans une usine

• Détection et identification d’équipements domestiques à partir du signal de mise en marche pour des applications de domotique (voir la dernière figure)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces briques génériques ont été testées sur des données issues d’équipements comme des contacteurs industriels, des moteurs à induction, des turbo-réacteurs, des éoliennes, des points d’aiguillage ferroviaires ou des usines en surveillance énergétique et donnent des modèles disponibles et prêts à être testés pour un déploiement rapide.

La recherche scientifique n’a pas fini d’enrichir les modèles d’Intelligence Artificielle de nouvelles innovations. L’ère de l’industrie entièrement connectée n’est qu’à son début et promet de belles perspectives qui sont encore devant nous.

 

 

Biographie des auteurs

 

Katia Hilal (1990), est porteuse du projet de la start-up Amiral Technologies. Katia cumule 25 ans d’expérience dans des secteurs technologiques dans des rôles de direction chez RedCloud, eServGlobal, Lucent Technologies et Orange. Elle est titulaire d’un doctorat en traitement du signal en 1993 et d’un MBA de l’Open University Business School en 2005.

 @katiahilal  katiahilal

 

 

Mazen Alamir est directeur de recherches au CNRS au laboratoire GIPSA-lab de Grenoble. Spécialiste en contrôle/commande et en optimisation des systèmes dynamiques, il est l’auteur de neuf brevets d’invention et de nombreuses publications. Mazen est diplômé de Grenoble INP et de l'ENSICA et a obtenu un doctorat en automatique en 1995.

 www.mazenalamir.fr

 

Auteurs

Katia Hilal (1990)
Mazen Alamir

Articles du numéro