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10 novembre 2021

Anne-Charlotte Fredenucci Lauréate du Prix du manager

Votre parcours professionnel, ne semblait pas vous orienter vers la reprise de l’entreprise familiale. Pouvez-vous nous indiquer vos principales motivations dans ce changement qui pourrait sembler radical à beaucoup de nos lecteurs ?

Effectivement, après un diplôme de l’ESSEC et des débuts dans le conseil en stratégie chez Bain & Cie, l’industrie n’était pas nécessairement une prochaine étape évidente pour moi. Mais quand mon père m’a proposé de reprendre ce groupe, alors que je l’avais souvent entendu dire qu’il aurait aimé avoir un fils pour cela, quand il m’a expliqué que c’était la meilleure option pour les équipes du groupe, j’ai réalisé que ce choix était à la fois une obligation morale familiale et une très belle opportunité de relever un magnifique défi. Sans compter le fait que j’avais joué toute mon enfance aux trains, aux voitures, aux jeux de construction... et que, finalement, l’industrie était l’environnement qui m’attirait le plus, même si je n’avais pas osé me l’avouer...


Vous avez repris une entreprise, créée par votre père. Quels sont à votre avis les qualités que doit avoir un repreneur, ses motivations et quels sont les conseils que vous donneriez à des repreneurs en puissance ?

Un repreneur doit à la fois être entrepreneur dans l’âme, avec l’énergie, la passion, la vision que cela implique mais il ou elle doit aussi être prêt à voir sa légitimité contestée , au moins dans les débuts : reprendre, c’est être sans cesse comparé à celui ou celle qui est venu avant et il faut savoir bien anticiper cette transition et les challenges qui y sont associés, par exemple en réfléchissant les mécanismes de gouvernance avec la génération ou l’équipe sortante, en discutant en amont du processus de transition à la tête et de la communication associée, en interne et en externe.
 

© Sarah Bastin

Ametra est un leader depuis sa création. Pouvez-vous nous indiquer comment vous pensez maintenir et même conforter votre position dans un environnement hyper concurrentiel ? Pensez-vous en particulier que la transition numérique sera un levier essentiel pour atteindre cet objectif ?

Depuis que j’ai repris Ametra, mon obsession a été de rendre l’entreprise plus robuste, afin de donner un environnement plus sécurisé et plus stimulant à nos équipes et de garantir à nos clients innovation, qualité, coût, délai. Pour ce faire, nous avons à la fois diversifié nos activités, à l’époque très aéronautiques, vers d’autres industries (défense, nucléaire, naval, ferroviaire, médical) et nous avons cherché à apporter davantage de valeur ajoutée à nos clients. Nous avons ainsi élargi nos activités de conception et renforcé nos compétences industrielles vers une position de véritable intégrateur. C’est ici que l’industrie 4.0 entre dans notre stratégie : pour innover toujours plus et sécuriser les programmes de nos clients. Nous avons des imprimantes 3D dans l’atelier pour du prototypage rapide ou des outillages qui apportent de l’efficacité et suppriment des erreurs, en fabrication ; nous établissons une continuité numérique entre nos bureaux d’études et nos prototypistes, pour réduire les temps de cycle et les erreurs ; nous intervenons en entreprise étendue avec nos clients, pour que nos concepteurs et câbleurs travaillent avec leurs équipes comme s’ils étaient dans le bureau ou l’atelier au bout du couloir; nous travaillons sur les solutions d’intelligence artificielle qui pourront, demain, rendre automatiques certaines routines de conception. Dans le cadre du programme Industrie 4.0 du GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales), nous travaillons également sur la prise en compte des contraintes de cybersécurité et sur la validation à distance de prototypes, via des tablettes alliant visioconférence et réalité augmentée.

La transition numérique bouleverse nos métiers tous les jours et ceux qui sauront en tirer le meilleur parti seront les leaders de demain.

Le thème du Prix des Technologies Numériques 2021 est l’Industrie 4.0 : quels sont, selon vous, les avantages et les freins à la mise en place de ce concept dans les industries de l’économie traditionnelle ? Quel développement voyez-vous à moyen terme et quels sont les conditions permettant une transition réussie ?

Pour l’industrie, les avantages sont multiples : innovation mais aussi sécurisation des données, des processus… Au-delà des exemples déployés chez Ametra, dans des secteurs à plus gros volumes, on voit des robots de fabrication ou, s’ils prolongent de geste de l’opérateur ou de l’opératrice, des cobots, accélérer la production ou la rendre moins pénible. Des chariots de transport autonomes déplacent des produits d’un poste à l’autre, le big data et l’intelligence artificielle permettent de traiter des données qui optimisent les processus de fabrication ou permettent de la maintenance prédictive, évitant ainsi de couteuses pannes de chaînes de production ou de produits embarqués.

Des freins existent, notamment chez les PME qui croient le coût de ces solutions élevé. L’écueil à éviter est de penser d’abord aux technologies avant de réfléchir à sa stratégie et aux attentes du marché : si on pense aux outils digitaux comme des moyens au service d’une stratégie, on peut alors calculer un retour sur investissement et prioriser ainsi les chantiers de transition à déployer.

Et finalement, pour conclure, quels sont vos objectifs en matière de parité Femmes / Hommes au sein d’Ametra et que représente pour le groupe le prix qui vous est décerné ?

Ametra et son équipe souhaitent une parité totale entre femmes et hommes, évidemment ! Recruter 50 % de femmes alors que si peu choisissent les écoles d’ingénieurs est un leurre, bien sûr, et c’est aussi là que nous souhaitons agir. À travers l’association 100 000 entrepreneurs ou l’initiative « Ambassadeurs de l’ingénierie » du Syntec Ingénierie, les équipes d’Ametra prennent la parole dans les lycées, notamment auprès des jeunes filles, pour les encourager à choisir des voix scientifiques.

Ce très beau prix, pour lequel je vous remercie chaleureusement, est tout d’abord un honneur pour Ametra et ses équipes, passionnées par leur métier. Mais c’est aussi une occasion de plus de montrer aux jeunes filles que les femmes peuvent réussir dans l’industrie !

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