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09 juillet 2020

Pour un écosystème de l'informatique quantique

Une industrie est en train d’émerger, de nouvelles pratiques s’imposent...

Outre l’accélération de la course mondiale pour des enjeux de souveraineté et économiques majeurs, le développement de l’informatique quantique se caractérise avant tout par l’interaction entre recherche fondamentale, recherche technologique, dynamiques entrepreneuriales et industrielles.


Cette interaction exige des formes d’interdisciplinarité radicalement nouvelles qui mobilisent l’ensemble des acteurs de l’écosystème quantique en devenir, dans le but :

  • de former les nouveaux talents notamment pour des profils nouveaux,
  • de décloisonner les domaines de la recherche autant que les écosystèmes (recherche fondamentale / industrie / innovation) pour se focaliser sur de nouvelles « synergies d’interface »,
  • de promouvoir des expérimentations et preuves de concept, en amont de la commercialisation à grande échelle des technologies.

Focaliser sur ce type d’interactions réclame à la fois : agilité, rapidité et efficacité d’exécution en réponse à l’accélération de la compétition mondiale, en même temps qu’une mise en synergie de l’ensemble des compétences et des acteurs, en privilégiant des boucles courtes d’interactions assises sur un échange constant entre acteurs académiques et industriels.

DES ÉCOSYSTÈMES ANCRÉS DANS LES TERRITOIRES

À l’échelle internationale, les « Hubs » locaux représentent un modèle éprouvé de pilotage de ces interactions1 qui permet, au plus proche du terrain, attractivité et agilité.

Les initiatives de terrain (approche « bottom-up ») se sont révélées extrêmement efficaces pour faire émerger des technologies et des start-up du quantique. Un cas d’école est le Canada où, malgré l’absence d’une stratégie nationale aussi articulée qu’aux États-Unis ou au Royaume-Uni, l’industrie de l’informatique quantique est en pointe.

L’incubateur Creative Destruction Lab de Toronto a été précurseur en lançant en 2017 un programme dédié à des start-up dans le domaine du software pour l’ordinateur quantique. Ultérieurement, ce programme a été étendu au hardware, aux capteurs, ainsi qu’aux communications quantiques. Une attention particulière apportée au triptyque horizon temporel / maturité des technologies / maturité des marchés (entreprises clientes potentielles), l’association à des mentors académiques de premier plan et le networking avec des représentants de fonds d’investissement (américains notamment), en ont fait un succès. Les partenariats avec les fabricants de hardware (IBM, D Wave, Rigetti, Xanadu …) ont été également très importants. Plus de 60 start-up ont bénéficié de ce programme et les plus talentueuses ont réussi des levées de fonds significatives à l’image de ProteinQure. En trois ans, Toronto est devenu un pôle international incontournable, leader dans le domaine du software quantique.

Au Québec, l’Université de Sherbrooke a investi, avec l’aide des partenaires gouvernementaux, plus de 50MCAD$ en 2016 pour la création et la construction de l’Institut Quantique. L’interdisciplinarité est une des valeurs clefs de l’Institut qui met la communauté étudiante au cœur du projet. Le projet Q2 (Entrepreneuriat étudiant) est une approche originale, pilotée par les étudiants, qui vise à promouvoir une meilleure adéquation avec les besoins futurs du marché, considérant que plus de 80% des étudiants en master ou en thèse ne poursuivront pas dans le secteur académique.

La France n’est pas en reste, même si les initiatives ne sont pas encore aussi structurées. Trois pôles : « PCQC » à Paris centre, « Quantum Paris-Saclay » et « QuEnG » à Grenoble, concentrent entre 70% et 80% des ressources et compétences académiques. Ils se sont constitués avec l’ambition de devenir, dans le cadre du déploiement de la stratégie nationale sur les technologies quantiques, les opérateurs privilégiés du développement des écosystèmes quantiques.

LE LAB QUANTIQUE

Si la recherche académique demeure le socle fondamental de la filière quantique, l’heure est aussi à la création de start-up, à l’industrialisation de produits, à la recherche de cas d’usage, au recrutement de talents et à la constitution de portefeuille de brevets. C’est tout « l’aval » de la filière qui doit être construit.

C’est sur la base de ce constat qu’a été créée, en 2020 (après une phase d’expérimentation de 18 mois), l’association Le Lab Quantique (LLQ). Celui-ci a pour vocation la mise en synergie d’une communauté quantique nationale en développant des liens étroits entre acteurs académiques, industriels et investisseurs. Il anime avec et pour ces acteurs, des initiatives de terrain orientées « création de valeur ». LLQ se pense aussi comme un Think Thank destiné à produire du contenu de haut niveau.

À ce jour, les actions ont été principalement consacrées à la constitution d’un réseau international et au partage d’informations, crucial pour apprécier les enjeux mais aussi les limitations des technologies. La première conférence internationale sur l’informatique quantique, approchée du point de vue des applications et des marchés, a été organisée, en 2019, par BPI France avec le soutien du Lab Quantique. Plusieurs hackathons sur la programmation et les protocoles de communication quantiques ont été organisés, en partenariat avec École 42 et le CNRS. Divers meetups et webinars ont été lancés, en 2020, avec un fort succès, plus de 200 participants du monde entier à chaque session.

Le Lab Quantique compte intensifier ces activités tout en s’impliquant sur deux axes de développement, en support :

  • des entreprises, pour les aider à définir des stratégies d’approche de marchés,
  • des start-up, avec des programmes d’accélération, notamment en partenariat avec INRIA Studio et DeepTech Founders.

L’enjeu est également d’établir des passerelles avec l’international en vue d’assoir la visibilité de l’ensemble des ressources et compétences quantiques nationales, qui sont considérables. Les enjeux et les marchés sont mondiaux et on apprend beaucoup des autres écosystèmes, souvent plus avancés.

Avec le quantique, nous sommes en train de vivre la naissance d’une industrie. C’est un peu comme si on était au début des années 70, et que la France avait la possibilité de se poser en leader des technologies de microprocesseurs qui émergeaient alors avec Intel et d’autres en Silicon Valley. Il n’est plus trop tôt pour agir, il n’est pas encore trop tard, sous réserve de mettre toutes les forces vives en synergie.

Le Creative Destruction Lab de Toronto est le premier incubateur dédié exclusivement aux start-up du quantique. Source : Creative Destruction Lab

Hackathon sur la programmation quantique organisé par Le Lab Quantique. Source : LLQ


Référence

1 IQC, Institute for Quantum Computing, Waterloo Canada crée en 2002 / JQI, Joint Quantum Institute, University of Maryland & NIST, USA 2006 / CQT, Center for Quantum Technologies, Singapore 2007 / QuTech, Advance research center for Quantum computing and Quantum Internet, Delft University of Technology, Pays-bas 2014 / MCQST, Munich Center for Quantum Science and Technology, Allemagne 2019 / QUTEC Quantum Technology Enterprise Centre, Bristol 2016.




Jean-Christophe GOUGEON

Responsable sectoriel IA, HPC et Technologies Quantiques à la Direction de l’Innovation de Bpifrance - Direction de l’Expertise et des Filières Industrielles.
Membre de la Task-Force pour la définition de la stratégie quantique nationale, Jean-Christophe est le point de contact à Bpifrance sur les « Technologies Quantiques ».



Christophe JURCZAK

Fondateur de Quantonation, fonds d’investissement focalisé sur les technologies quantiques, Christophe est titulaire d’un doctorat en physique quantique sous la direction d’Alain Aspect. Il est président de l’association Le Lab Quantique et associate de l’incubateur Creative Destruction Lab de Toronto.




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Auteurs

Jean-Christophe Gougeon
Christophe Jurczak

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