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08 juillet 2020

Un numérique inclusif, accessible à tous

Si le numérique et l’innovation peuvent apporter de formidables opportunités aux plus fragiles, trop souvent, ils sont vecteurs d’exclusion. Le contexte récent a mis en exergue la nécessité d’avoir un numérique inclusif, accessible et utile à tous. Partant de ce constat, APF France handicap fait participer ses usagers et adhérents à la conception de produits innovants, au bénéfice des entreprises.


Le numérique : vecteur d’inclusion ou d’exclusion ?

Le numérique offre déjà de formidables opportunités pour les personnes en situation de handicap. En témoigne la possibilité offerte à Stephen Hawking de continuer à s’exprimer, malgré une paralysie et une trachéotomie. Le cosmologiste utilisait un capteur infrarouge fixé sur une branche de ses lunettes, détectant les mouvements du muscle de sa joue, retraduits en texte parlé grâce à un algorithme prédictif et une synthèse vocale. Prouesse qui n’aurait pas été possible seulement 30 ans plus tôt. Mais le numérique peut aussi exclure et il n’est pas besoin de handicap lourd pour vivre cette exclusion. Les difficultés des personnes âgées avec l’usage du numérique parlent pour elles-mêmes. Un texte écrit trop petit, un cheminement non intuitif, un volume non ajustable : il faut peu de choses pour exclure.

Qu’est-ce qu’un site web accessible ? C’est un site web qui est programmé pour être adapté à une vaste gamme de modalités d’utilisation. C’est un site web dont les contenus peuvent être lus par une synthèse vocale, dont les vidéos sont sous-titrées, dont les images sont décrites, dont la taille des textes peut être adaptée, etc. Des référentiels décrivent depuis longtemps les bonnes pratiques en la matière, par exemple le référentiel général d’accessibilité (RGAA), qui s’impose en théorie aux administrations françaises, ou les normes Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) du World Wide Web Consortium (W3C). En 2019, le parlement européen a adopté le European Accessibility Act, qui prévoit une obligation d’accessibilité des produits et services, en particulier dans leur dimension numérique. Cette directive doit être traduite dans la loi des états membres en 2022 et l’accessibilité devra être réalisée par tous les acteurs économiques en 2025.

Mais attendre l’obligation de l’accessibilité c’est, pour les acteurs du numériques, se couper de 20 % de leurs utilisateurs, ceux qui ont entre autres une mobilité, une vision, une audition réduites. Mais c’est aussi se couper d’un grand nombre de situations d’usage vécues par tous, comme par exemple le fait de regarder une vidéo dans un lieu bruyant ou dans un environnement silencieux de travail.

Concevoir pour ses utilisateurs : les limites de la persona

Quand ils conçoivent des outils numériques, beaucoup d’acteurs s’appuient sur la définition de personas. Ces personas sont des utilisateurs types, stéréotypés et fictifs. Le plus souvent la persona a un genre, un âge, des habitudes de consommation et des attentes vis-à-vis du produit. Elle a le mérite de porter l’attention du concepteur sur l’utilisateur mais en offre une vision très restreinte. L’utilisateur, le vrai, est intrinsèquement multiple. Il a des goûts, des couleurs et des capacités différentes. La persona, en réduisant cette multiplicité, caricature les utilisateurs et oublie les plus fragiles d’entre eux.

Pour bien faire, les concepteurs racontent l’histoire de la persona, son contexte, sa vie. Cela la rend plus réelle. Mais pourquoi donner vie à un utilisateur fictif quand tant d’utilisateurs bien réels pourraient être sollicités ?

APF Lab : la co-conception avec des publics « fragiles »

En réalité, inclure des utilisateurs bien réels dans le processus de conception ne va pas sans difficultés. L’une d’entre elles est d’identifier des utilisateurs et de savoir comment les impliquer.

C’est pour répondre à ces enjeux et pour valoriser l’expertise d’usage de ses membres qu’APF France handicap a créé APF Lab.

Depuis deux ans, APF Lab fait ainsi entrer le monde de l’innovation dans les établissements médico-sociaux et les délégations d’APF France handicap.

Ainsi, en novembre dernier, une réunion s’est tenue à Orléans avec une douzaine de participants invités par la délégation locale, pour décortiquer les usages du Gyrolift, un fauteuil roulant verticalisateur construit sur une base de gyropode.

De même, des établissements de Nantes, Pantin, Gap, Rignac ou Cluses, testent depuis plusieurs mois des tapis connectés de prévention des escarres, des objets connectés pour la maison, un logiciel de stimulation cognitive.

Et tout le monde s’y retrouve : le concepteur bénéficie de l’expertise d’usage des participants et souvent de tests grandeur nature de son produit et les participants retirent une certaine satisfaction de contribuer à l’innovation.

Mais APF Lab ne dédie pas son action à la seule conception d’aides à la compensation du handicap. Les personnes en situation de handicap sont des « extreme users », qui révèlent des besoins non visibles des concepteurs mais partagés par un grand nombre d’utilisateurs. Ces « extreme users » sont en outre très peu tolérants aux défauts de conception. Certaines grandes entreprises l’ont bien compris et constatent à chaque atelier que rien ne remplace l’empathie créée par l’interaction entre le concepteur designer et l’utilisateur, le « vrai ».

 

L’utilisateur lors de la conception de solutions numériques : le conceptualiser ou l’impliquer ? 



Prosper TEBOUL
Directeur Général d’APF France handicap.
Fort d’une longue expérience dans le management du secteur médico-social, Prosper Teboul est, depuis 2013, Directeur Général d’APF France handicap, association qui rassemble plus de 100 000 acteurs : bénévoles, adhérents, salariés, usagers.
IN prosper-teboul



Hervé DELACROIX
Administrateur d’APF France handicap et Vice-Président AGEFIPH.
Ancien enseignant chercheur dans le domaine de la bio-informatique et de la biophysique, Hervé Delacroix est un fervent militant de l’inclusion et de la valorisation de la personne en situation de handicap, notamment dans les démarches d’innovation
IN hervé-delacroix



Estelle PEYRARD
Responsable d’APF Lab Handicap et Nouvelles Technologies.
Après avoir mené des projets de transformation dans de grandes entreprises, Estelle Peyrard a créé sa société puis rejoint APF France handicap pour mettre en place APF Lab. Estelle prépare une thèse sur l’innovation inclusive, au sein du Centre de Recherche en Gestion de l’Ecole Polytechnique
IN estelle-peyrard  
@EstellePeyrard



APF France handicap, ex-Association des Paralysés de France, est la plus importante organisation française de défense et de représentation des personnes en situation de handicap. Elle gère ainsi 400 structures d’accueil et 50 entreprises adaptées et ESAT et déploie son action militante et sociale au travers d’une centaine de délégations réparties sur le territoire.

Retrouvez le Petit guide de conception à l’attention de ceux qui innovent pour tous : forms.gle/eu2M9iz691nPzhuy5

 



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Auteurs

Prosper Teboul
Hervé Delacroix
Estelle Peyrard

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