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12 novembre 2019

Revue TELECOM 194 - Les diplômés se mobilisent pour la diversité des profils sur les bans de l'école par Laura Peytavin

LES DIPLÔMÉS SE MOBILISENT POUR LA DIVERSITÉ DES PROFILS SUR LES BANCS DE L'ÉCOLE

Par Laura Peytavin (1990) Présidente de Télécom Paris alumni dans la revue TELECOM n° 194

L’association des diplômés de Télécom Paris témoigne que l’amélioration de la diversité des profils des futurs jeunes diplômés peut bénéficier de la mobilisation de ses membres. Mentoring, soutiens, témoignages de carrières diverses sur des modèles non stéréotypés sont autant de moyens pour nourrir et incarner les programmes volontaristes qui se créent avec l’École et d’en assurer l’authenticité et l’efficacité.

Alors que le monde de l’entreprise a déjà manifestement constaté et intégré que la diversité sociale et de genre dans les profils ingénieurs apporte un surcroit de performance économique manifeste, celui de l’enseignement supérieur et notamment celui des grandes écoles n’a de cesse de chercher des solutions pour y contribuer en amont. Coincées entre un système éducatif et des réalités géographiques qui ne favorisent pas la diversité sociale dès le plus jeune âge, les grandes écoles d’ingénieurs doivent manifestement trouver de nouveaux leviers plus efficaces.

Le bilan – quelques chiffres

Il est en effet de notoriété publique que le bilan de la diversité dans les écoles d’ingénieurs et notamment dans celles des domaines du numérique et des télécoms n’est pas bon. Sur le front de l’ascension sociale, notre école rejoint le constat général sur l’ensemble des Grandes Écoles. Déjà en 1964 le sociologue Pierre Bourdieu¹ dénonçait une : « institution reproduisant les inégalités, les exigences et les critères du système d'enseignement au détriment des classes défavorisées ». Depuis, les années se sont succédées, et malgré les efforts à tous les niveaux du système éducatif les ambitions affichées n’ont pas été atteintes.

Aujourd’hui, Télécom Paris compte deux tiers d’enfants de cadres supérieurs contre 1% d’enfants d’ouvriers alors même que ces catégories représentent respectivement 15,8 % et 22,2 % de la population totale.

Du point de vue du développement de la mixité et plus généralement de la diversité de genre, la situation ne s’améliore là encore que très peu par rapport à ce que l’on constate dans nombre d’autres filières métiers. En 2013 on ne comptait que 28 % de femmes dans le numérique, contre 48 % pour le reste de l’économie². Parmi les codeurs 27% sont des femmes et elles ne sont que 15% dans les fonctions techniques (développement, avant-vente et gestion de projet), 11% dans la cybersécurité ; et seulement 7% dirigent des jeunes pousses du numérique³.

Proportion de scientifiques et d'ingénieur.e.s dans la population de l'UE en 2013 , par sexe
Source : ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, Vers l'égalité femmes-hommes?, chiffres clés 2016

Un regard chez nos voisins européens nous rappelle que de bonnes idées sont aussi à prendre ailleurs et que le rattrapage entre les femmes et les hommes est un défi atteignable.

À l’échelle de notre école, la comptabilisation des diplômés par promotion donne pour l’année 2018 22% de femmes alors qu’elles étaient 21% en 2006, 14% en 1998. À quand la reprise d’une forte tendance haussière ?

Source : Répartitions femmes-hommes par années de diplômes de Télécom Paris.

Enfin sur l’ouverture au handicap, Hervé Laborde, responsable du groupe de travail Handicap de la Commission Diversité de la Conférence des Grandes Écoles (C.G.E.), estimait en 2012 qu’il y avait en moyenne, entre 800 et 1 000 élèves en situation de handicap dans les 160 grandes écoles françaises. Ce nombre encore très faible mais il est en augmentation depuis, de l’ordre de 13% par an.

Les actions de l’École

L’Éducation Nationale et l’État au travers des institutions tutelles de nos écoles se mobilisent, avec une injonction qui se fait de plus en plus pressante. À l’échelle des grandes écoles, des programmes volontaristes ont déjà été lancés, depuis parfois de nombreuses années, comme le souligne la C.G.E. Citons principalement :

• L’augmentation du nombre d’étudiants-boursiers qui se situe autour de 30% en moyenne aujourd’hui sur l’ensemble des grandes écoles,

• Le développement des voies d’admission parallèles,

• Le partenariat avec Article 14, la grande association résultat de la fusion de Passeport Avenir et de Frateli) dans le but de mener des actions de rencontres et de mentoring entre des jeunes de collèges, lycées ou déjà bacheliers avec des volontaires issus du monde professionnel, désireux de partager leurs savoirs et leurs engagements.

• Une 2e « charte handicap » signée par la C.G.E. en janvier 2019 qui marque une nette volonté d’intensifier les actions autour des élèves en situation de handicap.

Pour ce qui est de Télécom Paris, la part des étudiants boursiers s’est élevée à 23% en 2018, les admissions parallèles représentant plus de la moitié de la promotion (140 sur 273) avec une proportion de 37% d’étudiants étrangers.

Le partenariat de Télécom Paris avec Article 1 s’est traduit quant à lui par la mise en place :

• D’une convention signée en 2008 et renouvelée depuis, qui a donné aussitôt naissance au partenariat avec les classes de TSI du lycée de Cachan pour les accompagner sur la maîtrise de la langue anglaise ;

• D’actions d’accompagnement par Article 1 pour aider des élèves de 1ère année issus de milieux modestes à appréhender leur arrivée dans une grande école ;

• D’un programme de mentorat, mis en place avec Télécom Paris Alumni pour que les diplômés se mobilisent auprès de jeunes issus de milieux modestes et les accompagnent du lycée jusqu’à leur intégration dans la vie professionnelle.

S’y est rajouté en 2018 le partenariat de l’École avec l’Institut Télémaque qui ouvre aux Alumni la possibilité de parrainer sur la longueur des élèves encore plus jeunes soit collégiens, soit lycéens.

Pour les élèves désirant œuvrer pour la diversité et l’égalité des chances pendant leurs années à l’École, Télécom Paris met à disposition un réseau dense de partenaires institutionnels, associatifs et même industriels leur permettant de s’engager dans des programmes de tutorat.

Au fil des ans, ces programmes ont incorporé les « cordées de la réussite » d’AgroParisTech, de Mines ParisTech, des soutiens pour collégiens avec ZUPdeCo, des soutiens d’élèves en situation de handicap avec Starting Block et puis la FEDEEH (niveau secondaire) ou Sopra Stéria (2e cycle du secondaire), des séances d’éveil scientifique dans le secondaire avec Tremplin. Emmaüs Connect, qui cherche à réduire la fracture numérique auprès des populations fragiles économiquement ou socialement, est notre partenaire le plus récent. En 2018-2019, 24 élèves Télécom ont signalé leur participation à de tels programmes, certains préférant malgré tout accomplir ces gestes citoyens de façon anonyme. De plus, l’École propose un module de formation humaine sur la diversité, d’environ 18 heures, au début de chaque année scolaire (avec 18 inscrits en 2018-2019).

S’ajoute à tout cela, la très forte participation de Télécom Paris au consortium qui a créé l’Institut Villebon George Charpak à forte vocation pour la diversité qui compte environ 70% d’élèves boursiers, la quasi-parité entre garçons et filles, un mélange des filières classiques et technologiques et un accueil d’élèves en situation de handicap. Aujourd’hui la convention qui lie l’École avec l’Institut permet de présélectionner des élèves de 3e année pour l’admission anticipée à Télécom Paris.

Enfin, à la rentrée 2019 et avec le déménagement de l’École sur le plateau de Saclay, l’engagement se renforce avec l’arrivée de Johanna Legru, issue d’Article 1, qui rejoint Télécom Paris et ENSTA Paris sur un poste commun de déléguée à la diversité à plein temps. Elle prendra ainsi la succession d’Alan Hornstein qui avait conduit des activités sur la diversité à Télécom Paris depuis 2009.

La mobilisation des diplômés

S’il fallait s’inspirer d’un jeune président américain bien connu, ne demandez pas ce que peux faire votre école (ou l’Education Nationale) pour la diversité dans nos métiers, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour cela.  

Parmi les initiatives impulsées ou promues par l’Ecole ci-dessus, certaines sollicitent déjà les diplômés directement. La lutte pour la diversité des profils dans les métiers du numérique ne pourra jamais se réduire à de simples programmes et injonctions qui viennent d’en haut. Ce dont il est question relève aussi d’une attention véritable à l’autre, d’une activité qui s’incarne par des visages et des parcours de vie professionnelle qui se racontent et qui échangent. Et qui peut mieux faire cela que les diplômés forts de leurs formations et de leur expérience.    

Les premiers retours des diplômés sur le suivi de leur mentorés dans la cadre d’Article 1 et de l’Institut Télémaque sont là pour le prouver. L’expérience est enrichissante pour eux-mêmes et pour leurs mentorés, une trentaine à fin 2018. Des graines pour faire germer des vocations endormies ou contrariées sont à l’œuvre, des représentations et des biais cognitifs chez ces potentiels talents issus de la diversité en train de changer. Il faut continuer (voir encadré).

Faire voir et entendre des visages et des esprits nouveaux est aussi un moyen de toucher des personnes issues de la diversité, aussi bien que de sortir les étudiants « classiques » de l’enfermement mental du stéréotype et de contribuer ainsi aux objectifs et à l’ambition de l’École en matière de diversité.

C’est pourquoi Télécom Paris alumni ambitionne de développer les moyens permettant aux alumni de se manifester et de témoigner, y compris dans l’espace public. À l’occasion de la fête Bye Bye Barrault, les jeunes et les moins jeunes se sont rencontrés avec plus d’esprit de partage que jamais ; avec quelque part dans toutes les têtes l’envie de développer et de porter une identité commune, le faire ensemble avec les différences et les diversités de profils de chacun ; autour de projets fédérateurs de société comme les grandes questions environnementales, et bien d’autres qu’il nous faudra accompagner dans les années qui viennent. 

1/ Les Héritiers, les étudiants et la culture, Pierre Bourdieu 1964
2/ Transformation numérique et vie au travail – Bruno Mettling, 09/2015
3/ https://femmes-numerique.fr/
4/ https://article-1.eu/


« Rejoignez les diplômés qui mentorent des jeunes de milieu modestes »


À raison de quelques heures par mois, chaque diplômé volontaire peut aider un jeune de sa ville à réussir ses études en lui donnant des conseils sur ses choix professionnels, sur la réalité du monde du travail et tout simplement en établissant une relation de qualité et de confiance.

Les partenariats mis en place avec Article 1 et l’Institut Télémaque ont été portés et soutenus par la passion et l’abnégation d’un de nos plus jeunes diplômés Guillaume Soulé (2015) qui incarne à merveille cet envie de passer le témoin entre générations en motivant les anciens d’aller vers les plus jeunes. Bravo à lui !

Alors n’hésitez pas, chères et chers diplômé.es, venez rejoindre l’initiative et contactez mentorat@télécom-paris.fr


Biograhie de l'auteur


Laura Peytavin (1990)
est ingénieure consultante avant-vente chez Proofpoint, certifiée CISSP depuis 2017. Elle vient d’être élue présidente de l’association Télécom Paris alumni, après y avoir animé son groupe Cybersécurité et l’avoir représentée à l’Institut G9+.

 @LauraPeytavin/in/laurapeytavin

Auteur

Efficient in architecture and pre sales engineering for IT or Telco Integration Projects, with technical support activities all dealing with skills that embrace Image processing, Messaging and cyber-security.

as board member (volunteer) of Télécom Pris alumni since 2012, getting experience in social media and web site design, being engaged in innovative promotions of high schools of engineering communities.

Elected Présidente of Télécom Paris alumni from July 2019 till July 2023 Voir les 5 autres publications de l'autrice

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