Retour au numéro
Partager sur :
Vue 56 fois
12 novembre 2019

Revue TELECOM 194 - Les chatbots au service de la relation client digitale et humaine par France Heringer-Jallot (1990) et Angie Anazgo (2013)

LES CHATBOTS AU SERVICE DE LA RELATION CLIENT DIGITALE ET HUMAINE

Par France Heringer-Jallot (1990) et Angie Añazgo (2013) dans la revue TELECOM n° 194

En tant que professionnel, il n’y a plus une conférence sur la relation client ou l’expérience client qui ne traite du développement des chatbots, aujourd’hui boostés par l’Intelligence artificielle et les progrès en traitement du langage naturel. Et en tant qu’utilisateur d’applications mobiles, de messageries, de sites internet, nous voilà exposés de plus en plus à ces agents conversationnels, qui nous sont proposés pour nous aider à trouver une information, de l’assistance, ou acheter un produit ou un service. Au-delà de l’effet de mode ou de l’innovation technologique, quel intérêt pour les utilisateurs ou les clients ? Quelles opportunités pour une entreprise ? Ce sont ces deux points de vue que nous vous proposons de partager dans cet article.

Pour un client/un utilisateur : moins d’efforts, plus de simplicité… à la cible !

Mon premier réflexe lorsque j’ai besoin de renseignements, d’acheter un produit, ou de résoudre un problème avec une marque, c’est d’abord aller en ligne, sur mon appli, ou sur un site web, et d’essayer de faire moi-même en quelques clics, simplement et immédiatement.

Si on me propose de le faire via un chatbot, il faudra que ce soit encore plus simple et facile que mon expérience digitale actuelle. Pour citer un Millenial de ma connaissance : quel intérêt d’avoir une conversation avec un robot pas intelligent alors que tu pourrais tout faire beaucoup plus rapidement toi-même ?... »

Si je contacte un conseiller, je dois souvent attendre, et je me demande si ce contact sera agréable, sans effort et efficace. Dès que je perçois chez mon interlocuteur une réelle posture de service, ça me détend immédiatement. Face à un chatbot au lieu d’un conseiller, je ne vais pas avoir à patienter bien sûr, j’aurai une prise en charge immédiate, mais je vais aussi m’attendre à faire moins d’effort : pour moi, un chatbot devrait être capable de connaître mon contexte, comprendre ce qui m’amène à le contacter, interpréter mon intention, et d’agir de manière pertinente sans que j’aie besoin de répéter quoi que ce soit. Et bien sûr de me comprendre, à l’oral comme à l’écrit, lorsque je parle avec mes mots et mes tournures habituelles.

Si une marque a déjà des informations sur moi, je souhaite qu’elle prenne en compte mes préférences, mes centres d’intérêt et ma fidélité pour me proposer des solutions pertinentes. Par exemple, utiliser l’historique de nos conversations passées, de mes achats et de mes usages pour me proposer un échange personnalisé et contextualisé.

Aujourd’hui, nous sommes encore loin de cette expérience rêvée : lors de mes interactions avec des chatbots variés (consultation, réservation, dépannage entre autres), j’ai été confrontée à de vrais dialogues de sourds : la même réponse donnée une dizaine de fois, la même question posée encore et encore… Un bon chatbot doit savoir passer la main en temps utile à un conseiller, et évidemment avec tout le contexte parce que je ne veux pas avoir à tout répéter !

Je veux aussi avoir le droit à l’erreur, pouvoir corriger une information en cours de discussion, des erreurs d’écriture ou de prononciation qui seraient facilement gérés par les humains mais que pour le moment les chatbots ont du mal à intégrer.

En résumé, le meilleur chatbot est celui qui fait bien pour moi un maximum de tâches mais qui sait me mettre en contact avec la bonne (vraie) personne quand j’en ai besoin !

Pour l’entreprise : to bot or not to bot n’est plus une question, mais l’exécution est clé !

Même si nous n’en sommes qu’au début (et d’ailleurs la plupart des chatbots commencent la conversation en vous disant qu’ils sont « en train d ‘apprendre »), il est clair que ces agents conversationnels, boostés par les progrès en langage naturel et en intelligence artificielle, vont changer la donne de la relation client.

Pour une entreprise de service comme Orange, opérant dans un univers hyper concurrentiel, la relation client est un enjeu majeur de différenciation, et bien sûr un enjeu économique important : les interactions avec nos clients représentent cinq milliards de contacts digitaux par an, 500 millions d’appels, et autant de visites en boutiques.

Cette relation client s’est déjà massivement transformée ces dernières années, avec la progression du digital : en Europe, 80% des parcours de nos clients démarrent sur le digital, et plus de 50% de nos transactions techniques ou commerciales sont aujourd’hui 100% digitales.

© freestockphotos.io

Que peuvent apporter les chatbots dans ce contexte ?

Permettre à nos clients de disposer d’un service disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 mais en échangeant comme ils le feraient avec un conseiller, en s’exprimant naturellement, sans avoir à chercher des rubriques dans une appli, à l’écrit ou à l’oral.

C’est aussi dégager du temps de nos conseillers pour se focaliser sur les interactions les plus sensibles ou les plus créatrices de valeur.

Pour apprendre et tester de manière pragmatique ce que nous voyons comme le premier point d’entrée en contact avec Orange dans le futur, nous avons lancé Chatbots22, un programme volontariste d’introduction des chatbots dans notre relation client.

Ainsi chez Orange Bank, toutes les demandes de nos clients sur l’application mobile sont d’abord accueillies par notre agent virtuel Djingo, qui traite plus de 50% des demandes intégralement, et transfère à un conseiller dans les autres cas.

Chez Orange Espagne, un Djingo espagnol assiste les clients sur leur facture, pour le déblocage de leur carte SIM… et il est maintenant accessible sur Whatsapp, l’application de messagerie la plus utilisée par les Espagnols, en plus de l’être du web et de l’appli Mi Orange.

Mais l’écrit n’est pas le seul terrain d’expression des chatbots : en Pologne, nous avons introduit un assistant virtuel vocal, Max, qui accueille 100% des appels en centre de contacts pour les traiter ou les aiguiller vers le bon conseiller.

Ainsi avec les chatbots, le digital devient conversationnel et la conversation devient digitale.

Au total, ce sont près de 10 millions de conversations qui ont été gérées par des chatbots chez Orange au premier semestre 2019.

© freestockphotos.io

Quels facteurs clés de succès avons-nous tirés de ces premières expériences ?

• Se concentrer sur les tâches simples qui apportent tout de suite de la valeur,

• Etre transparent vis-à-vis des utilisateurs sur l’utilisation du chatbot et ses limites,

• Se mettre en position d’apprendre en permanence : au-delà de la technologie c’est une organisation apprenante qu’il faut mettre en place. On parle d’ailleurs maintenant d’entraineur de chatbots.

Et enfin, et surtout, même si les chatbots peuvent être une solution ergonomique et efficace pour répondre à un certain nombre de demandes, l’humain reste clé : pouvoir parler à une vraie personne qui aura la bonne empathie, la réassurance, l’intelligence relationnelle, est déterminant.

C’est pourquoi en parallèle de nos investissements sur le digital, l’IA, les chatbots…, nous investissons dans notre réseau physique de boutiques, et dans les compétences de nos 100000 conseillers, vendeurs et techniciens, pour leur permettre d’accompagner au mieux les clients – parce que l’humain est ce qui crée de l’émotion positive dans une relation.

Une relation client performante, c’est le meilleur du digital allié au meilleur de l’humain.


Biographie des auteurs


France Heringer-Jallot (1990)
, Senior Vice President Expérience Client et Ventes – Groupe Orange. France Heringer-Jallot est Directrice Expérience Client et Ventes du Groupe Orange depuis septembre 2015 ; elle était auparavant directrice de la zone Ouest au sein du comité de direction d’Orange France, et a exercé des responsabilités managériales variées au sein du groupe Orange, en France et au Royaume-Uni dans les domaines de l’innovation, des réseaux, de la relation client.

@FranceHeringer


Angie Añazgo (2013)
, Chef du Département SAV 24h/7j - Orange Business Services. Angie Añazgo a 10 ans d'expérience dans le management d’équipes et de projets internationaux B2C et B2B dans le secteur des télécommunications. Depuis 2019, elle est Chef du Département SAV 24h/7j d’Orange Business Services qui assure le suivi des opérations pour les clients français et pour les clients internationaux présents en France. Franco-péruvienne, elle est engagée en faveur de l'égalité des chances et passionnée par les voyages.

@aanazgo

Auteurs

Articles du numéro