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15 janvier 2020

Une cinquième génération pour les télécommunications mobiles

UNE CINQUIEME GENERATION POUR LES TELECOMMUNICATIONS MOBILES


Les smartphones ne sont plus, de très loin, les seuls objets connectés sur le réseau mobile. La multiplication des objets et des usages oblige les opérateurs à changer de génération pour éviter l’explosion !


Changement de génération… tous les 10 ans, une nouvelle génération !

Les usages des télécommunications mobiles ont considérablement évolué depuis l’introduction des pagers puis des téléphones mobiles dans les années 1990. Initialement un outil de téléphonie, le smartphone est rapidement devenu un outil de messagerie (email ou instantanée) et d’accès à l’internet, en particulier aux réseaux sociaux¹.

La première génération (Radiocom 2000 par exemple) avait été confidentielle et uniquement centrée sur la téléphonie. La seconde (GSM entre autres systèmes) avait vu l’engouement de la téléphonie mobile dans la population et la naissance du message court, le SMS. La troisième génération (3G/LTE) avait vu le développement des smartphones et de leurs applications. La quatrième génération (LTE) avait rendu leur usage acceptable en offrant un vrai service de données.

Une évolution vers des solutions adaptées à la connexion massive d’objets est maintenant indispensable : la nature, la multiplication de ces objets, le développement des applications associées n’est pas compatible avec les capacités des réseaux existants. Il faut passer à la génération suivante.


Les enjeux de la 5G

Le premier enjeu de la 5G est d’offrir la capacité à écouler le trafic d’un nombre croissant d’objets pour leur utilisation. Cette croissance impose pour les opérateurs une mise à jour de la collecte d’une part, mais également de la capacité du cœur de réseau qui peut aller jusqu’à la refonte des systèmes existants.

Un second enjeu, lui aussi technique, est lié au besoin majeur de réactivité des applications. Gérer une flotte de véhicules autonomes ou faire de la télé-chirurgie impose des temps de latence jusqu’à la milliseconde que ne peut offrir l’architecture des réseaux actuels.

Troisième enjeu : l’intégration massive d’objets connectés dans leur diversité. Ceux qui ne sont pas alimentés ont besoin d’une collecte basse puissance et indoor (par exemple les compteurs gaz ou eau), c’est l’IoT bas débit. D’autres non contraints par l’alimentation, ont besoin d’un fort débit de données (systèmes de surveillance à distance), on parle d’IoT haut débit. D’autres encore ont besoin de temps réel, d’une latence très faible, c’est l’IoT critique.

Enjeu clé pour finir, l’impact environnemental des équipements de 5G. Pour couvrir largement la demande de services, la 5G implique l’utilisation des fréquences dans des bandes multiples (de quelques MHz à plusieurs GHz). La multiplication du nombre de sites radio, donc d’antennes, implique la prise en compte des impacts possibles sur la santé. La multiplication des sites d’ancrage des services, des data centers qui constituent le « cloud », ne pourra se faire qu’avec une conception intégrant l’optimisation du besoin en énergie.


Les technologies de la 5G

La collecte radio doit cibler des systèmes et des bandes de fréquence très différentes selon les usages visés. Les nouvelles bandes de fréquences visées sont le 3,5 GHz et le 26 GHz.

Les standards de la 5G devront apporter une solution pour la variété des services et pallier la fragmentation du marché qui a vu de multiples systèmes de collecte propriétaires (comme Sigfox) ou autour d’une alliance (comme LoRa) se développer faute d’un standard. Les déploiements devraient naturellement tendre à la rationalisation des réseaux et la convergence vers des solutions consolidées des systèmes existants.

La collecte réseau se fera largement en fibre optique sur la base des infrastructures déployées par la plupart des opérateurs ou en cours de déploiement. Quand la configuration du terrain ne permet pas d’atteindre le réseau fibré, dans certaines zones de montagne par exemple, la collecte se fait par faisceau hertzien. Ce type de collecte ne présente pas de contrainte sur la latence par rapport à la fibre, mais est plus facilement soumis à des perturbations, météorologiques par exemple, qui impactent le service.

La gestion des services doit être décentralisée pour répondre au besoin temps-réel des applications. Un opérateur ne peut offrir de services qu’en multipliant les sites et en les régionalisant. La tendance existante dans les réseaux télécoms se confirme largement.


Une course, des investissements massifs et une guerre commerciale

En France comme ailleurs, de nombreux pilotes ont été organisés pour tester les équipements 5G². Au-delà des antennes et équipements radio, l’enjeu technique de ces essais est de s’assurer de l’interopérabilité des systèmes et du cœur de réseau ainsi que la capacité à supporter des services.

Le déploiement et le lancement commercial est d’ores et déjà envisagé et phasé en fonction de la disponibilité des équipements. Dans une première phase, le service d’accès 5G visera un nombre d’usages limités dont celui aux smartphones. Il reste encore beaucoup de problèmes d’interopérabilité entre fabricants, le phénomène s’étant amplifié par la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Quoi qu’il en soit, une cible de lancement des services commerciaux est envisagée en 2020, alors que les grands opérateurs disposent déjà de pilotes.

Les investissements sont majeurs : nouveaux équipements sur les sites radio, mise à jour du réseau de collecte, de transport et cœur, et sites de collecte. La Chine a investi massivement dans la recherche et se repose sur des champions comme Huawei ou ZTE, pour les infrastructures et pour les terminaux. La Corée et son champion national Samsung, a aussi investi sur les technologies de fabrication des éléments des terminaux. Nokia et Ericsson, en Europe, sont tous deux recentrés sur les technologies réseau aux dépends des terminaux et ont une carte importante à jouer dans le déploiement initial. Aux USA, pas de constructeur 5G développant du matériel radio : Cisco positionné sur les réseaux 5G ne conçoit que des équipements réseau.

La guerre est aujourd’hui économique et mondiale sur le front de la 5G. Europe, Chine et Etats-Unis positionnent leurs acteurs, au gré des négociations et des avancées technologiques. Derrière les annonces et règlementations qui s’affichent, les acteurs industriels doivent se positionner avec des investissements colossaux et l’innovation 5G pourrait bien se présenter comme la destruction créatrice de Schumpeter dans le domaine des télécommunications.

La révolution 5G s’annonce pour les utilisateurs moins spectaculaire que ce qu'a pu représenter la 4G accompagnée par le boom des smartphones. Les terminaux connectés sont déjà pour certains dans les usages. Plus que jamais, on peut légitimement se demander maintenant que le très haut débit et la capacité du réseau à absorber des millions de terminaux connectés sont acquis, de quoi pourrait être faite une 6G à moins qu’il ne s’agisse de réaliser des promesses non tenues par la 5G…

 

1/ Voir sur le sujet l’étude de l’ARCEP : http://www.arcep.fr/index.php?id=13166

2/ voir sur le sujet l’étude de l’ARCEP : https://www.arcep.fr/cartes-et-donnees/nos-publications-chiffrees/experimentations-5g-en-france/tableau-deploiements-5g.html#c17574

 

Biographie de l'auteur


Paul Jolivet
(1995) est Responsable du Pôle de Conception Fibre chez Bouygues Télécom. Son champ d’action est le déploiement de l’infrastructure de collecte fibre optique. Il a auparavant été très investi dans les organismes de standardisation qui ont porté la 5G, au 3GPP et à l’ETSI. Il enseigne régulièrement dans plusieurs Ecoles dont Télécom Paris et a développé une thèse à l’Université Paris Dauphine sur l’Innovation.

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