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15 janvier 2020

Comment être "Data Scientist" et travailler dans une autorité de régulation

COMMENT ETRE "DATA SCIENTIST" ET TRAVAILLER DANS UNE AUTORITE DE REGULATION

Interview de Antonin Borgnon (2013) par Adrien Morvan (2013)

Pourquoi as-tu choisi ce domaine ?

J’ai commencé ma carrière dans la diplomatie, à l’Ambassade de France en Pologne où je gérais un programme de bourses et favorisais les échanges scientifiques franco-polonais. J’aimais l’engagement pour le bien commun, et l’atmosphère d’une petite administration talentueuse où tout le monde se connait et où chacun doit se pencher sur de nombreux sujets. En m’orientant vers l’Arcep¹, je cherchais à garder cette atmosphère de travail tout en retrouvant les problématiques d’ingénieur qui ont animées mes études. Les sujets traités m’attiraient aussi. Nous travaillons avec une industrie de 35,7 milliards d’euros HT de revenu (en 2018) qui subit des transformations radicales chaque décennie. Notre rôle est de s’assurer que le secteur reste concurrentiel - au profit du consommateur - et compétitif grâce à la régulation. Et il y a de quoi s’occuper…

 

Quels sont tes projets les plus intéressants ?

Je travaille dans une équipe dédiée aux données de l'internet fixe pour trois projets.

Le premier projet : Ma connexion internet est un site cartographique destiné à la fois aux particuliers, aux élus et aux professionnels : ils pourront y trouver les offres commerciales disponibles à l'adresse pour chaque technologie fixe (xDSL, fibre, câble, 4G fixe, ...) ainsi que les opérateurs qui proposent un service, les débits montants et descendants associés. Je m'occupe dans ce projet de la spécification des données, de leur collecte auprès des opérateurs et de leur traitement pour obtenir une carte et des statistiques qui répondent au haut niveau d'exigence associé à notre rôle de régulateur.

Le second projet concerne la publication de l'observatoire du haut et du très haut débit qui suit l'évolution de l'éligibilité des Français au très haut débit (débit supérieur à 30 Mbit/s) et les déploiements de la fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH). Dans ce cadre, je suis en charge des données du réseau cuivre, fournies par Orange, ainsi que du modèle qui nous permet de calculer, chaque trimestre, le nombre de locaux éligibles au très haut débit.

Enfin, je participe au sein d’un groupe du BEREC (l'organe européen des régulateurs télécom) à la définition de lignes directrices destinées à préciser les nouvelles exigences cartographiques du dernier Code Européen des Communications Électroniques adopté en 2018. Ce code oblige chaque pays à collecter et partager, au niveau européen, les informations sur l’étendue de leur réseau télécom.

Quels conseils donnerais-tu aux personnes dans ton domaine ?

Au sein de l’Arcep, la partie technique du travail de mon équipe est le développement d’un produit informatique – en collaboration avec des prestataires externes - qui intègre des données dans une base SQL, les nettoient, les traitent et les restituent sous forme cartographique. Vu de cet angle, nous apportons de nouvelles compétences au sein de l’Autorité, dans la gestion de projet informatique et l’analyse de données. Le conseil que j’aurais dans ce cas est de ne pas hésiter à aller chercher des retours d’expérience dans d’autres administrations, entreprises ou start-up qui traitent de projets importants et ont acquis les méthodes – ou des mauvaises habitudes qu’il serait intéressant de connaître. Aujourd’hui, nous avons beaucoup appris de cette manière, que ce soit de nos succès et de nos erreurs, et nous avons la satisfaction de continuer à progresser chaque jour.

Rencontrer un alumni dans l'entreprise ciblée avant de passer un entretien

 

Comment as-tu réussi à accéder à ton poste actuel ?

L'Arcep recrute beaucoup de profils d'ingénieurs généralistes qui auront déjà des bases techniques et sauront rapidement monter en compétence sur les problématiques spécifiques de la régulation. Les autres profils recherchés sont principalement juridiques et économiques. Il n’est pas nécessaire d'être fonctionnaire pour y travailler. La plupart de mes collègues ont un statut contractuel. Me concernant, un ancien camarade d'école qui travaillait à l'Arcep m'avait transmis des offres d’emploi au sein de l’Arcep qui pouvaient m'intéresser. Je conseille de discuter avec une personne de l'entreprise ciblée avant un éventuel entretien afin de se faire une idée des enjeux du poste et du cadre de travail.

 

Quel type de projet occupe la majorité de ton temps ?

Le projet cartographique Ma connexion internet est incontestablement celui qui m'occupe le plus. Nous travaillons sur la première version d'un projet très ambitieux. En effet, les méthodes de collecte auprès des opérateurs sont nouvelles - avec un format que nous avons normalisé et sur la méthode de traitement des données qui projette les informations de chaque technologie (initialement à des formats hétérogènes) vers un unique référentiel d'adresses. Il est très attendu par les acteurs publics, pour suivre dans les territoires l'amélioration de la connectivité des Français. Il sera également pour le grand public la première source d’informations neutre disponible – sans lien publicitaire avec un opérateur en particulier. Enfin, en interne, il nous permettra de réaliser des analyses multi-technologies plus poussées, qui viendront enrichir nos observatoires actuels.

 

Quel futur pour ton domaine d'activité dans cinq ans ?

Sur les sujets que je suis actuellement, nous devrons toujours suivre et contrôler les déploiements du FttH, et la complétude de ce déploiement dans toutes les zones du territoire. Nous suivrons en parallèle avec une grande attention les débuts de l'arrêt progressif du cuivre sur des zones 100% fibrées. Sur les sujets cartographiques, nous avons beaucoup d’ambitions. Nous envisageons, par exemple, de fusionner les bases de données fixe et mobile : les utilisateurs pourraient à terme, en tapant une adresse, tout connaître de leur connectivité internet fixe et mobile (technologie disponible, opérateurs présents…). Nous aurons également été plus loin dans les études sur la qualité de service pour obtenir une information au plus proche de l'expérience utilisateur en améliorant les tests de vitesse – et en disposant de données géolocalisées.

 

Quelles difficultés envisages-tu pour le secteur ?

Le secteur des télécom est en très bonne santé, avec un haut niveau d'investissement et je suis très optimiste sur l’avenir. Les défis que j’ai en tête sont pour l’internet fixe, de continuer à accroitre les rythmes de déploiement de la fibre, car il y a une grande attente de la part des Français en termes d’accès au très haut débit. Pour le mobile, les opérateurs doivent réussir leur entrée dans la 5G, une fois qu’ils disposeront des fréquences nécessaires après leur attribution par l’Arcep. Enfin le secteur des média et télécoms va devoir trouver un modèle financier entre fournisseur de contenu et diffuseur tenant compté de la montée en puissance des plateformes de streaming.

 

1/ Arcep : Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse

 

Conseil carrière

Il est toujours utile de se renseigner sur un poste avant de postuler, surtout si un camarade d’école y travaille déjà. N’hésitez pas à faire appel au réseau de Télécom Paris alumni et à vous servir de l’annuaire des diplômés.

https://www.telecom-paris-alumni.fr/

 

Biographie de l'auteur


Antonin Borgnon
, ingénieur Télécom Paris travaille depuis près de deux ans à l'Arcep en tant que chargé de mission cartographie et données du très haut débit.

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