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15 janvier 2020

La Data Science, une science humaine ?

LA DATA SCIENCE, UNE SCIENCE HUMAINE ?

Tour à tour perçu comme un mathématicien, un développeur, un statisticien, et parfois même comme un magicien : le Data Scientist exerce un métier aux contours encore flous, qui varie fortement suivant les entreprises.

J’ai débuté en tant que Data Scientist dans une start-up d’e-commerce early-stage. Mon objectif était d’y déployer des modèles Data afin de permettre à l’entreprise de prospérer. L'amélioration des taux de conversion, dans un marché ultra-concurrentiel, était le principal défi que je m’étais fixé. Néanmoins, entre le manque de ressources et la dé-priorisation régulière des sujets Data par rapport aux enjeux plus courts termes, il n’a pas toujours été facile d’utiliser pleinement le potentiel des données. C’est probablement l’envie de contribuer plus fortement au business qui m’a conduite à accepter le poste de CTO au départ de mon manager. Cette fonction, qui m’a permis de me familiariser avec management, m’a cependant un peu éloignée de la Data Science. J’y ai cependant appris à mieux mettre en avant le retour sur investissement potentiel de mes idées et à gérer les contraintes liées à une production 24/24. La vision sur l’ensemble de l’IT m’a également permis de mieux parvenir à intégrer la Data dans l’expérience client. J’ai ainsi compris que la Data Science nécessitait une approche pragmatique et une très bonne intégration dans toute la chaîne de valeur.

A la suite de cette expérience, j’ai choisi de me tourner vers une entreprise plus grande, mais malgré tout à taille humaine ; c’est ainsi que j’ai rejoint les équipes de Fortuneo en tant que responsable du DataLab. Avec plus de moyens à disposition, je souhaitais pouvoir contribuer à des projets plus ambitieux. Dans ce nouveau contexte, j’ai fait face à des enjeux que je n’avais pas rencontrés en start-up.

Il m’a fallu dans un premier temps comprendre les besoins d’une structure à l’activité extrêmement large. Chaque département a ses enjeux, son vocabulaire et ses process, et je pense qu’une équipe Data se doit de se les approprier pour pouvoir ensuite contribuer à l’amélioration de l’efficacité opérationnelle. Une autre problématique rencontrée concerne les délais de mise en production. Là où travailler en start-up permet un déploiement presque immédiat des projets, cela s’avère plus complexe au sein d’une banque ; l’intégration de modèles de Machine Learning dans des systèmes d’information souvent anciens est un défi à part entière.

Cette nouvelle expérience de “Data Scientist”, dans un univers très différent, moins technique et plus près du marché, m’a menée à une prise de conscience : dans la plupart des projets Data, l’enjeu est avant tout humain. Ainsi, il est nécessaire de faire preuve de pédagogie, d’écoute (pour permettre de s’enrichir des connaissances existantes), et surtout de rester humble - il est ainsi parfois difficile de trouver des modèles capables de “battre” l’instinct d’experts métiers. Il faut aussi savoir convaincre les parties prenantes et trouver les bons relais internes pour pouvoir s’intégrer dans l’IT de l’entreprise. Loin d’être isolées, les équipes de Data Science ne deviennent efficaces que lorsqu’elles réussissent à faire le pont entre des métiers très différents (juridique, IT, risques, call-center, marketing…) grâce à une vision profondément centrée client.

Beaucoup d’entreprises, start-up comme grands groupes, ne sont pas aujourd’hui totalement matures dans le domaine de la Data Science, même si elles ont une réelle volonté d’en exploiter le potentiel. J’ai le sentiment qu’il est indispensable, pour ces dernières, de recruter des Data Scientists qui “parlent et pensent business”. Bien au delà de leurs compétences techniques, ils doivent avoir envie de s’impliquer dans l’amélioration de l’expérience client.

Aux Data Scientists qui rejoindront un jour une structure de ce type, je conseillerais, tout d’abord, de rester ouvert : la Data Science a beaucoup de potentiel, mais vous ne pourrez pas l’exploiter seul ; la vraie richesse se trouve souvent dans les solutions co-construites avec les différents métiers. Je conseillerais, ensuite, de rester curieux et de se former en permanence, via les salons, meetups, MOOCs, revues de recherche, ou simplement par l’échange ; nous travaillons dans un domaine qui évolue très vite, et même le meilleur des Data Scientists ne saurait prédire aujourd’hui à quoi ressemblera son métier dans 20 ans.

 

Biographie de l'auteur


Ingénieure de Télécom Paris et diplômée de l’UCL, Maud Picq a débuté sa carrière en tant que Data Scientist chez The Beautyst (racheté par FeelUnique), où elle a ensuite pris le rôle de CTO. En 2016, elle a rejoint la banque en ligne Fortuneo en tant que responsable du DataLab. Elle se lancera prochainement dans une nouvelle aventure professionnelle au sein d’un cabinet de conseil.

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