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15 juin 2019

Revue TELECOM 193 - La microfluidique au service de la santé

LA MICROFLUIDIQUE AU SERVICE DE LA SANTE

Éléments recueillis par Michel Cochet (1973) dans la revue TELECOM n° 193

La microfluidique regroupe l’ensemble des technologies permettant de manipuler des fluides et des objets biologiques à très petite échelle, et d’apporter ainsi à la médecine une révolution comparable à ce qu’a été pour le traitement de l’information l’invention des microprocesseurs. Le potentiel de cette technique pour la recherche et le diagnostic est immense, mais son évolution reste limitée par les coûts de développement et de fabrication des circuits complexes, appelés puces, dans lesquels s’écoulent ces fluides pour recréer les conditions du vivant, ou décupler les capacités d’analyse des instruments de diagnostic.


Vers une Silicon Valley de la microfluidique

La Commission européenne a décidé d’accélérer le développement de la microfluidique, élément clef de la 4e révolution industrielle. Ainsi, dans le cadre du programme Horizon 2020, elle investit 7,1 millions d’euros dans le projet HoliFAB.

De cette manière, la Commission européenne décide de repousser les limites de la microfluidique, pour booster la recherche et les innovations industrielles. Grace à cette dotation, le programme « Horizon 2020 » va notamment permettre de décupler la précision de la fabrication en impression 3D de puces microfluidiques permettant, par exemple, la culture d’organes artificiels sur puce imitant le vivant, dans lesquels s’écoulent des fluides. Ces puces permettent de gagner un temps considérable dans la recherche et l’innovation, tout en baissant les coûts de façon importante. Dans le cadre du projet HoliFAB, les partenaires vont opérer une avancée technologique dans la fabrication de nouvelles générations d’instruments microfluidiques et ainsi renforcer le positionnement de l'Europe et soutenir le développement de sa filière industrielle.

Le projet HoliFAB, est coordonné par Fluigent. Il comprend une dizaine de partenaires industriels et académiques, dont Sculpteo, le CNRS et l’Institut Curie et il vise à développer un ensemble de lignes pilotes combinant plusieurs innovations, en particulier l’impression 3D, qui sera poussée pour cela au-delà de ses limites actuelles en termes de résolution avec un facteur 10 et une précision de l’ordre du micron.

Ce mariage va permettre de proposer une nouvelle génération d’instruments microfluidiques, plus performants, plus faciles d’utilisation, moins coûteux et dans des délais plus rapides, permettant ainsi de fabriquer, par exemple, des « organes sur puces », pour identifier de nouvelles molécules thérapeutiques, ou des instruments d’analyse pour le diagnostic ou le contrôle environnemental (contrôle de l’eau).

La fabrication de ces nouvelles puces, pense-t-on, fera autant avancer la technologie que l’invention du microprocesseur en 1969. Elle permettra un gain de temps en années dans la découverte de nouveaux vaccins, dans la simplification de la détection de maladies, mais aussi dans tous les domaines de la recherche industrielle.

Myochip, un muscle sur puce

Aujourd’hui, l’étude des muscles repose essentiellement sur deux modèles : le premier consiste à utiliser des cellules musculaires cultivées en 2D, faciles à manipuler, mais incapables de reproduire la réalité structurelle des cellules musculaires. Le second est le modèle animal qui a l’avantage d’intégrer la complexité des organismes, avec des résultats qui ne sont transposables à l’être humain que de manière limitée.

En effet, plus de 80% des médicaments testé sur le modèle animal échouent une fois testés sur l’homme. Pour remplacer les modèles animaux, des modèles in vitro plus complexes et plus réalistes tels que celui proposé par Myochip commencent à émerger.

MyoChip a pour objectif de générer un organe sur puce qui reproduit l’architecture, la fonction et l’environnement physiologique d’un muscle squelettique, l’irrigation se faisant par un réseau capillaire et innervé par des motoneurones. En utilisant par exemple la technologie CRISPR-CAS9 d'édition du génome, il sera possible de réaliser de nombreuses expériences sur les cellules présentes dans le muscle sur puce comme répliquer, par exemple, des maladies musculaires.

Ensuite, principalement avec le machine learning, il sera possible de simuler de nombreuses interactions entre les cellules sans avoir à tester l’ensemble des conditions et donc de réduire le nombre de tests et les coûts associés.

De multiples paramètres seront, en effet, testés directement par l’informatique sans recourir à des expériences physiques. MyoChip permet donc de multiplier les expériences rapidement et efficacement tout en assurant une plus grande proximité avec les conditions physiologiques. Ainsi, une nouvelle génération de tests in vitro devient possible.

C’est un modèle ambitieux et innovant dont les applications envisageables, entre autres, seront les études de la myogenèse, de la régénération musculaire, du vieillissement ou même le dépistage des drogues.

Un véritable poumon artificiel portatif se prépare

Un poumon artificiel autonome, portatif et durable pour les patients souffrant d’hypertension pulmonaire terminale est en cours de développement dans le cadre du projet BIOART-LUNG 2020.

Cette approche thérapeutique innovante apporte deux avantages majeurs par rapport au système d’’oxygénation des membranes extracorporelles. Portatif, ce dispositif permettra, en effet, une plus grande mobilité des patients en attente d’une greffe de poumon. Physiologiquement pertinent, il devrait réduire l’activation des composés du sang et ainsi prolonger le délai d’utilisation de l’oxygénateur au-delà de la limite actuelle de trois semaines.

Fluigent, grâce, à son expertise et à ses solutions personnalisables, est intervenu au cours du processus de validation de la preuve de concept en concevant, développant et réalisant une plate-forme fluidique adaptée. Cette plate-forme entièrement automatisée permet de préparer des modèles de vaisseaux et de capillaires sanguins à base de cellules vivantes. Ce réseau de vaisseaux fait partie des composants initiaux du poumon artificiel. La plateforme applique et garantit les conditions nécessaires pour que les cellules survivent et forment leurs réseaux dans ces modèles.

Le projet BIOART-LUNG 2020 est coordonné scientifiquement par l'hôpital Marie Lannelongue. Il est supervisé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre du deuxième programme d'investissements d'avenir. Interdisciplinaire, il rassemble des partenaires publics (AP-HP, CEA, CNRS, INSERM), des partenaires académiques (Université Paris Sud, CentraleSupelec) et des entreprises privées comme Air Liquide, Sensome et Xenios.

À PROPOS DE FLUIGENT

Fondée en 2006 et maintenant dirigée par France Hamber, Fluigent est née de la rencontre d’une invention faite à l’Institut Curie et du savoir-faire en création de start-up de l’ESPCI Paris Leader mondial des technologies microfluidiques, Fluigent emploie déjà 30 personnes en France, en Allemagne et aux États-Unis.

www.fluigent.com


À PROPOS DE SCULPTEO

Sculpteo a été créé en 2009 par Clément Moreau et Eric Carreel. Sculpteo est un leader mondial de l’impression 3D basé à Paris et San Francisco et compte une soixantaine d’employés. Sculpteo commercialise ses logiciels de pointe dans l’impression 3D, permettant à des industriels d’optimiser leur production en impression 3D.

www.sculpteo.com


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