Retour au numéro
Partager sur :
Vue 53 fois
15 juin 2019

Revue TELECOM 193 - Vers l'Internet de l'énergie Télécom ParisTalks du 16 Avril 2019

VERS L'INTERNET DE L'ENERGIE 

Télécom ParisTalks du 16 Avril 2019

Internet et Énergie sont interdépendants et le seront de plus en plus. Actuellement équivalent en consommation énergétique à la 6e puissance mondiale, la consommation d’Internet ne cesse d’augmenter. Même dans les cas les plus pessimistes un doublement tous les sept ans doit faire réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour optimiser les consommations et limiter l’empreinte carbone. Par ailleurs, l’enjeu de tout énergéticien devient celui de la collecte, du traitement et de la restitution des milliards de données hétérogènes dont ils disposent déjà et dont le volume va croître de façon exponentielle.

Les Intervenants

Ce mardi 16 Avril, plus d’une cinquantaine de participants a assisté à une présentation/table-ronde rassemblant des experts représentatifs du monde de l’énergie en France (opérateurs historiques, nouveaux opérateurs, start-up du domaine, conseils et représentant des GAFAM).

Nous avons eu le plaisir et l’honneur d’accueillir :

• Paul Benoit, CEO et fondateur de Qarnot computing,

• Bernard Blez, enseignant ex directeur de ENGIE Lab Crigen,

• Benjamin de Buttet, co-fondateur et chief sales& Mkt de DC Brain,

• Perrine Daumont, Business development manager, Google,

• Mickaël Gaborit, Expert data et Blockchain Énergie, Accenture,

• Chantal Genermont, CDO, ENEDIS,

• Grégory Lamotte, CEO et fondateur de Comwatt,

• et Julien Tchernia, CEO et fondateur de Ekwateur.

Très rapidement, chacun des intervenants a exposé les points forts de son entreprise et de ses activités toutes en relation avec l’utilisation extensive des technologies numériques (big data, cloud computing, deep learning ou machine learning et maintenant blockchain sans oublier bien sûr les objets connectés (IOT)).

Chantal Genermont a tout d’abord insisté sur les qualités humaines à avoir pour faire adhérer les équipes internes d’ENEDIS aux projets qui transforment les métiers d’un gestionnaire de réseau de distribution d’énergie. À ces transformations internes, s’ajoutent, l’acquisition, l’anonymisation et le traitement de données venant actuellement de 17 millions de compteurs communicants (Linky) qui seront 36 millions dans quelques années quand le déploiement sera terminé (en 2025).

Chantal dispose de deux FastLab pour accompagner des start-up (telles DC Brain par ex) et d’une agence (ORE) qui met à disposition des « utilities » les données publiques gaz et électricité. Comme exemple d’usage de ces données, Chantal mentionne LinkLux pour permettre d’ajuster l’éclairage public et de détecter en amont les surconsommations.

Après Chantal, Bernard Blez nous a exposé les réalisations « numériques » mises en œuvre par le groupe ENGIE après avoir rappelé la décision de ce Groupe international (présent dans 70 pays) d’aller essentiellement vers le développement des Énergies Renouvelables :

• EIDERIS, la chaudière connectée via smartphone,

• KIKO, la « Virtual Power Plant » (ou comment remplacer une centrale de 1000 MW par ex par des centaines de petites unités),

• MAPPED, la plate-forme de production et d’échange de Biogaz entre agriculteurs,

• La mise en place de communautés de production et d’échange utilisant des cryptomonnaies.

Julien Tchernia nous a révélé ensuite quelles étaient les spécificités d’Ekwateur, nouveau venu sur le marché des fournisseurs d’Énergie renouvelable (électricité solaire, éolienne, hydro et biogaz). En venant chez Ekwateur, le client peut choisir son (ses) producteur(s) et son mix énergétique parmi une liste de producteurs sélectionnés par la société. Le prix est peu différent de celui proposé par les opérateurs historiques mais le client a le choix. Il est aussi possible d’utiliser le Solar Coin comme mode de paiement.

Avec Comwatt, Grégory Lamotte a établi une Communauté du Watt. Grégory a exposé qu’en utilisant la box Comwatt avec les IOT associés, il devient possible avec de l’autoproduction solaire d’économiser jusqu’à 70% de la facture d’électricité. Sans auto-production, l’économie réalisée est encore de 20%. Le principe est très simple : la box et les objets connectés permettent de reporter les consommations au moment où l’énergie est disponible et/ou est la moins chère et ceci essentiellement pour les postes gros consommateurs : eau chaude, chauffage électrique, congélateurs, machines à laver, etc).

En sous-produit, chaque client connaît exactement les consommations de chacun des postes mentionnés ci-dessus et ces études peuvent aussi servir pour connaître les consommations réelles des équipements (Base de données d’une richesse inégalée pour les marques !).

Paul Benoit en créant Qarnot Computing, a eu l’idée d’utiliser la chaleur dégagée par les processeurs « silencieux » pour chauffer des appartements et des bureaux. Ses développements concernent aussi maintenant des chaudières (chauffage/eau chaude) et des mini data centers installés dans des entrepôts (réalisation en cours avec le groupe Casino). Pour Paul, la tendance devrait être de répartir de plus en plus les data centers en les installant dans les bâtiments à proximité des utilisateurs plutôt qu’à continuer à les concentrer comme actuellement (pour éviter les risques de pannes, de cyber attaques, de faiblesse par la non-maitrise du matériel et surtout de leurs alimentations).

DC Brain est née du constat de la mauvaise gestion énergétique et calorique des data centers (75% des coûts d’exploitations résultent de l’alimentation des serveurs et du système de refroidissement) par le manque de prise en compte de ces critères en les concevant puis en étendant les architectures matérielles. En effet, peu de personnes se soucient de la répartition des charges, ni des points chauds, ni des dysfonctionnements éventuels (porte de baie mal fermée par ex). L’outil développé par DC Brain contient une représentation graphique et un logiciel de deep-learning qui permet d’appréhender à tout instant la répartition des charges et des flux d’énergie, de fluide, etc.

De l’optimisation des utilities des data centers, DC Brain est arrivé naturellement à proposer son produit aux gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’énergie et de fluides ainsi qu’à des entreprises de logistique. Maintenant ce sont aussi les industriels (usines, entrepôts) qui avec cet outil diagnostiquent la répartition de leurs consommations et les optimisent avec un ROI très important.

Mickaël Gaborit (Accenture) nous a ensuite exposé un grand nombre d’utilisations possibles de la blockchain. Sa mise en œuvre : blockchain privée ou blockchain publique nécessite beaucoup plus d’implication de la part des utilisateurs potentiels que pour le développement d’un projet informatique classique. Ce n’est pas un progiciel ni un logiciel à développer mais un processus complet qu’il faut valider (d’où l’importance des concepts de Traçabilité et d’Auditabilité)

Enfin Perrine Daumont (Google) a conclu en indiquant la stratégie développée par Alphabet, maison mère de Google pour réduire les consommations énergétiques de ses data centers et sa politique d’équipement, de développement et d’achat d’énergie renouvelable. Par exemple, Google a déjà réduit de 50% la consommation électrique de ses Data Centers. Google a noué des partenariats avec ENGIE pour équiper des toitures (SunRoof) et avec Makani pour réaliser des éoliennes sur Drones.

En conclusion, et cela paraît très surprenant, Perrine indique que Google produit autant d’énergie qu’elle en consomme.

Un dialogue fourni s’est ensuite établi entre la salle et les orateurs. Les points abordés ont concerné l’impact sur le dimensionnement des réseaux sur lesquels vont transiter productions et consommations de millions d’acteurs à terme, la croissance exponentielle des consommations des data centers et de l’internet avec l’explosion des services en ligne, le rôle du régulateur dans l’ouverture des marchés, la sécurisation des données.

En forme de synthèse :

• L’avenir est à la décentralisation et à l’optimisation continue de la production et de la consommation d’Énergie (apparition des consom-acteurs, des producers, développement de l’autoconsommation individuelle et collective),

• Les Énergies Renouvelables sont maintenant compétitives voire meilleures que les énergies Traditionnelles. Et il existe des moyens pour pallier au caractère intermittent de celles-ci.

• Il faudra passer par un large déploiement de capteurs et par un système de régulation (notamment par des prix d’achat / vente dynamiques) permettant d’ajuster de façon fine, la production (surtout du conventionnel), le stockage, et la consommation (en utilisant l’effacement, en faisant de l’anticipation).

• Si la France a du retard sur la mise en œuvre de systèmes de production d’Energies Renouvelables … elle est à la pointe sur l’utilisation de la Data pour l’optimisation.

• Et il reste la CRE (Commission de Régulation de l’énergie) dont l’attitude est un peu : « en retrait/frileuse » si ce n’est : « pro EDF » …

Pendant le cocktail qui a suivi, les nombreux et riches échanges ont permis d’approfondir certains points et de mettre en relation les intervenants et des membres de l’assistance.

De nouveau, un TPTalks qui a atteint ses objectifs.

LE GROUPE ÉNERGIE

Le groupe professionnel Énergie regroupe les alumni travaillant dans le secteur de l'Énergie et les alumni concernés par les questions et sujets énergétiques.

Si vous souhaitez participer à son bureau et/ou proposer des thèmes de conférence, prière de contacter : michel.cochet@telecom-paristech.org

Auteur

Licencié ès Sciences Economiques (73), Diplômé IAE Paris (86)

Consultant dans le domaine de l'énergie et du numérique Voir les 9 autres publications de l'auteur

Articles du numéro