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01 avril 2020

Vers une agriculture 2.0

Publié par Romain Schmitt | N° 196 - Numérique et Environnement

Neuf milliards d’êtres humains sur la Terre en 2050. C’est le pronostic des Nations Unies, menant inévitablement à la question suivante : comment allons-nous les nourrir ? 


Cette question s’est déjà posée après le baby-boom en 1950. À raison d’une augmentation de 10 % tous les cinq ans, la démographie mondiale annonçait un renouveau nécessaire de notre agriculture. C’est donc sans surprise que les années soixante ont vu naître les premiers pesticides, dont le chlordécone, qui empoisonne aujourd’hui les sols martiniquais, et ce, pour les sept cents prochaines années.            

En parallèle, le plan Marshall a transformé les campagnes françaises. C’était le début de l’agriculture intensive. Les années quatre-vingts ont été marquées par la première transgenèse qui conduira aux OGM. Constat de 2020 : l’agriculture utilise 11 % des terres habitables de la planète, 70 % de l’eau potable, 21 % de pesticides de plus qu’en 2017 (ceux-là sont à l’origine de la disparition de 75 % des insectes volants européens) et est responsable de 12 % des émissions de carbone mondiales (puisque les aliments voyagent, jusqu’à 2 000 km pour que certaines tomates aillent du champ à l’assiette).

Aujourd’hui, grâce à la sélection artificielle des graines, un plant de tomate produit jusqu’à 10 fois plus qu’en 1950.           

Mais comme disait Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » Ainsi, au profit du rendement, l’INRA a montré que les plantes sont aussi moins nutritives. Avec la déperdition des nutriments, nos produits ont aussi, malheureusement, perdu leur saveur.            

Farmcube a l’ambition de redonner aux fruits et légumes leurs nutriment et goût perdus, en utilisant des graines anciennes, faisant ainsi revenir à la consommation des fruits et légumes disparus. Ces graines n’ont cependant pas été optimisées pour le rendement ou pour leur résistance au transport et aux agents pathogènes, c’est pourquoi nous leur avons créé le cube.          

Le cube est une ferme verticale, ultraponique, téléopérée, avec un contrôle climatique :     

- La verticalité permet de mettre jusqu'à 500 plantes dans 7 m2 au sol.           

- L'ultraponie est une technique de culture hors-sol. Les plantes poussent en l’air et un nuage d’eau et de nutriments est pulvérisé par ultrason sur les racines. Cette technique utilise jusqu’à 97 % moins d’eau que les cultures traditionnelles et permet ainsi le meilleur rendement possible.            

- Le cube est complètement isolé de l'environnement extérieur. Aucun agent  pathogène n’entre et donc aucun pesticide n’est nécessaire. Dans cette « salle blanche » tous les aspects du climat, température, humidité, CO2 et vent sont contrôlés. Ainsi le cube peut faire pousser n'importe quelle plante, n'importe où dans le monde : même du piment péruvien sur un toit parisien en hiver par exemple !            

L’environnement créé pour les plantes étant fragile, il n’a pas été souhaité d’intervention humaine au sein de celui-ci. Donc, le cube est fourni avec un bras robotique équipé d'une caméra 3D.            

Ainsi, sous la tutelle d’un cultivateur opérant à distance à l’aide d’un casque de réalité virtuelle, ce robot peut effectuer toutes les opérations au sein du cube « ferme ».            

Le cube a été conçu pour être modulable. Ainsi une unité, peut satisfaire les besoins d’un restaurant, mais plusieurs peuvent être assemblés et constituer une large exploitation agricole. Il est aussi souhaité notamment en faire profiter les pays dans l’impossibilité de produire eux-même, pour cause de climat trop aride ou trop froid. Enfin, le haut niveau de contrôle au sein du cube en fait un outil unique de phénotypage pour les laboratoires de recherches leur permettant d’étudier l’impact du changement climatique sur certaines plantes clefs.

Le cube : quelques repères                   

  • Rendement: x200
  • 97% moins d’eau                   
  • 0 pesticide/OGM
  • Modulable
  • Robotisé
  • Peut produire n’importe quoi, n’importe où.

Références
           
  • 70 % agriculture supplementaire : http://www.fao.org/news/story/fr/item/35656/icode/
  • 1958 Chlordécone : https://www.encyclopediavirginia.org/Kepone#start_entry
  • GMO : http://www.ogm.org/Tout savoir/Historique/plantes-transgeniques-les-grandes-etapes.html
  • Tomatoes yield : https://ourworldindata.org/grapher/tomato-yields?tab=chart&year=1971&country=FRA
  • Uses of pesticides : https://ourworldindata.org/fertilizer-and-pesticides#pesticide-application-rates
  • Martinique contamination : https://news.konbini.com/post/chlordecone-sols-de-martinique-pollues-700-ans
  • Martinique cancers : https://www.ouest-france.fr/region-guadeloupe/pollution-chlordecone-scandale-sanitaire-aux-antilles-pour-700-ans-5990477
  • Habitable land : http://www.fao.org/docrep/015/i1688e/i1688e00.pdf
  • CO2 emission : https://agriculture.gouv.fr/infographie-le-secteur-des-terres-et-les-gaz-effet-de-serre-en-france
  • Use of water : http://www.fao.org/docrep/015/i1688e/i1688e00.pdf

Romain Schmitt              

est diplômé d’un parcours neurosciences et biologie synthétique de l’Université Paris-Saclay à l’issue duquel il a créé Farm3 qu’il dirige aujourd’hui. Il est également l’auteur de deux ouvrages de biologie pour le secondaire.             

romain.schmitt@farmcube.eu

 

 

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Auteur

Romain Schmitt

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