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19 décembre 2022

La gestion du trafic ferroviaire dans la perspective du programme de recherche européen Europe’s Rail

Contexte

En décembre 2020, la Commission européenne a adopté sa nouvelle stratégie de mobilité durable et intelligente. Cette dernière exploite l’idée d’utiliser le potentiel des technologies numériques pour révolutionner notre façon de nous déplacer, et rendre notre mobilité plus intelligente, plus efficace et plus verte. Elle identifie plusieurs objectifs à atteindre grâce à la recherche et de l’innovation ferroviaire ; notamment :

  • le doublement du trafic ferroviaire à grande vitesse d’ici 2030 et son triplement d’ici 2050,
  • l’augmentation de 50 % du trafic de fret ferroviaire d’ici 2030 et son doublement d’ici 2050

C’est dans ce contexte que le nouveau partenariat Europe’s Rail est entré en vigueur le 30 novembre 2021. Ce programme de recherche européen dédié au ferroviaire prend la suite du programme Shift2Rail sur la période 2022-2029 et réunit 25 membres fondateurs (10 opérateurs – dont la SNCF, 13 industriels et deux centres de recherche).

Les activités d’innovation y sont organisées autour de sept domaines-phares visant des évolutions profondes du ferroviaire et de sa digitalisation pour la gestion du trafic, le contrôle-commande et la signalisation, l’infrastructure et le matériel roulant, la gestion de l’énergie et le fret ferroviaire. La SNCF et ses partenaires ont répondu au premier appel à projets ; les projets débuteront début 2023.

Vers une nouvelle planification et gestion opérationnelle du trafic

L’amélioration de la planification et de la gestion opérationnelle des services et des offres est essentielle pour répondre aux ambitions de l’Europe et du groupe SNCF d’encourager un report modal massif vers du transport ferroviaire décarboné.

De façon très lapidaire, le trafic ferroviaire est aujourd’hui géré au niveau national, régional et local (gares), dans le cadre d’une démarche qui n’intègre pas les différentes dimensions temporelles du sujet (horizons de planification, gestion opérationnelle), ni les différentes ressources concernées (infrastructure, matériels roulants et agents). Plusieurs modèles et outils d’aide à la décision et de simulation ont ainsi été développés pour traiter ces sujets ferroviaires, mais différents facteurs limitent leur utilisation à une échelle industrielle ; notamment :

  • Le niveau variable de la qualité des données (y compris dans les référentiels) nécessaires à l’exploitation de tels modèles et outils ;
  • La taille massive des problèmes d’optimisation rencontrés en planification des circulations et des opérations ;
  • Une prise en compte insuffisante, dans les modèles de simulation, de technologies innovantes dont l’introduction va impacter la gestion de la capacité et l’exploitation ferroviaire ; par exemple, les systèmes d’aide à la conduite des trains connectés aux systèmes de gestion du trafic (Connected Driver Advisory System), le pilotage automatique (Automatic Train Operation) ou le système de signalisation européen ERTMS niveau 3 ;
  • La difficulté à établir un niveau de confiance satisfaisant des opérateurs envers ces outils, au niveau de l’explicabilité des évaluations ou solutions calculées, ou de leur robustesse quand les conditions d’exploitation (aléas) ou de calcul (données d’entrée) varient.

Le projet MOTIONAL, qui répond à l’appel à projets du domaine Network management planning and control & Mobility Management in a multimodal environment and Digital Enablers de Europe’s Rail, a l’ambition d’ouvrir la voie vers la mise en œuvre du futur système européen de gestion du trafic ferroviaire, pour faire du rail l’épine dorsale d’un système de transport multimodal pour les passagers et le fret. Trois principaux domaines d’activités sont couverts : les systèmes futurs de planification des horaires et de gestion opérationnelle du trafic, et les activités d’intégration traitant des services ferroviaires pour offrir une mobilité de porte à porte.

La SNCF (la Direction Technologies Innovation et Projets Groupe de la SA SNCF et la Direction Générale de l’Exploitation de SNCF Réseau) et ses partenaires académiques vont mettre à profit leurs compétences métier et scientifiques dans le projet MOTIONAL pour contribuer activement à repousser certaines des limites citées plus haut, par exemple :

  • Proposer des algorithmes avancés pour la planification d’horaires optimisés et robustes, afin d’accroître l’usage des infrastructures existantes. Au-delà des approches favorisant des itérations rapides entre modèles de simulation et d’optimisation, l’intérêt des approches adversariales issues de l’intelligence artificielle pour détecter les planifications les plus robustes et en générer automatiquement de nouvelles sur la base de celles-là sera étudié.
  • Enrichir les méthodes et modèles de simulation du trafic ferroviaire (notamment le modèle de simulation ferroviaire OpenSource OSRD) pour créer les conditions de la standardisation et du partage de données (calcul de marche, modèle conceptuel de données représentatif de l’infrastructure...), et permettre des évaluations de performance plus fiables et efficaces et ainsi mieux maîtriser l’allocation de la capacité (sillons, planification des travaux...), tout en tenant compte des technologies innovantes citées plus haut ;
  • Proposer des algorithmes avancés dans une recherche d’automatisation de la gestion opérationnelle du trafic (fonctions de détection et résolution des conflits de circulation, de recalcul des horaires prévisionnels des trains) qui pourraient s’appuyer sur un couplage entre les méthodes de Recherche Opérationnelle et celles de l’Apprentissage Automatique, pour rendre la résolution de problèmes plus efficaces (calcul en temps réel) et plus conformes à certains comportements observés.

Tous ces travaux vont contribuer à la transformation du système ferroviaire, essentielle pour atteindre les objectifs environnementaux et économiques en offrant à la fois des produits décarbonés et des solutions de mobilités compétitives en termes de temps et de coûts, pour les passagers comme pour le fret.


Christelle LÉRIN

Cheffe du groupe Modélisation et Optimisation de la Décision à la Direction de la Recherche SNCF, dirige une équipe spécialisée en recherche opérationnelle et mathématiques appliquées, engagée sur différents projets en lien avec l’exploitation ferroviaire et les nouvelles mobilités.
Ingénieure Télécom Paris, Christelle a une longue expérience de l’ingénierie et de la R&D dans le domaine du transport, essentiellement à la SNCF où elle notamment été depuis 1998 cheffe de projets de R&D, directrice du département Ingénierie d’exploitation chez SYSTRA (filiale SNCF), responsable du pôle Ingénierie d’Intégration à SNCF Transilien. Elle est également responsable pour la SNCF du projet MOTIONAL


David De Almeida

Directeur de la recherche à la SNCF où il dirige les équipes engagées sur les différentes technologies de transformation du système ferroviaire et des mobilités. Ingénieur de l’institut polytechnique de Grenoble et docteur de l’Université Blaise Pascal de Clermont Ferrand, expert en mathématiques appliquées et en informatique David a une longue expérience de la R&D dans le domaine du transport, essentiellement à la SNCF où il a successivement occupé depuis 1998 les fonctions de responsable de recherches, responsable du département Modélisation et expérience passager et de directeur scientifique avant de prendre la direction de la recherche.

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David De Almeida

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