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24 avril 2022

La Main Bionique en Rééducation 🟢

Entretien avec Myriam Desbordes

Propos recueillis par Michel Cochet (1973)

Pouvez-vous rapidement nous présenter le cadre concernant la mise en oeuvre de ces prothèses ?

Le centre de réadaptation de Coubert, établissement de l'UGECAM Ile de France, est un centre de rééducation et de réadaptation appartenant à l'Assurance Maladie. Les patients y sont pris en charge soit suite à tout type d'accident : de la vie, de la voie publique ou du travail.

L'appareillage réalisé pendant le séjour est dit « provisoire » ou « de rééducation ». Il sert à élaborer un prototype à valider pour la sortie. Celui-ci sera optimisé pour les patients dont la mobilité de l'épaule et du coude sont préservées et suivant le niveau d'amputation. La décision du processus d'appareillage est abordée et discutée en amont avec le patient. Elle dépend de son projet de vie : activité professionnelle et activités de loisirs. C'est pour lui un « outil ». La prescription de la prothèse définitive dépendra de l'acceptation et de l'appropriation de la prothèse de rééducation.


Quels types de mains sont-ils utilisés ?

Nous utilisons essentiellement des prothèses de type myo-électriques. Ces prothèses ont commencé à être développées dans les années 60. À cette époque, elles ne comportaient qu'une pince (pouce, index).

La pince est activée par un moteur électrique commandé par des électrodes qui transforment le signal musculaire reçu du patient en courant électrique. Les muscles fléchisseurs sont utilisés pour commander la fermeture et les muscles extenseurs pour l'ouverture.

Ces mains sont polydigitales bien que dites « bioniques ». Elles ont vu le jour sur le sol français à partir de 2006 et offrent l'avantage de proposer plusieurs types de prises, grâce à leurs cinq doigts motorisés dont :

  • La prise latérale ( pouce sur index fléchi) pour tenir une carte de crédit ou tourner une clé dans la serrure,
  • La pince de précision (pouce, index),
  • La pince tridigitale (pouce, index, majeur),
  • La prise plate.

Il peut aussi être ajouté un outil de force pour permettre le bricolage (AxonHook).

Le passage d'une prise à l'autre peut aussi être effectué via un smartphone, un ipad en plus du choix du type de contraction musculaire. Un système de contrôle de proximité existe aussi : les Grip ChipsTM . Ce sont des puces Bluetooth® qui permettent à l'utilisateur d'activer une prise, en déplaçant simplement sa prothèse dans le rayon de détection de la puce.

Actuellement, trois mains sont prises en charge: la main bebionic et la main Michelangelo de Ottobock ainsi que la main i-Limb de Össur.

Comment se passe et combien de temps dure la rééducation ?

La prise en charge est pluridisciplinaire : médecin de rééducation, kinésithérapeute, ergothérapeute et orthoprothésiste.

Le début du séjour est consacré à un bilan articulaire et musculaire des membres supérieurs pour établir le programme de rééducation. Parallèlement est menée la phase de discussion avec le patient pour déterminer son projet de vie après sa sortie du centre (généralement une semaine est consacrée à cette étape). La capacité du patient à contracter les deux groupes musculaires nécessaires à la commande de la main est travaillée sur un écran sur lequel les contractions sont visualisées par des courbes.

Une emboîture est conçue sur moulage dans laquelle le moignon est glissé. Un fourreau conique est ensuite réalisé par-dessus pour rattraper la longueur du membre. C'est à l'extrémité de cet élément que la main artificielle vient s'emboiter.

Après cicatrisation et selon les patients, la rééducation se déroule sur une période de quatre à six semaines : exercices gradués d'entraînement aux différentes prises et mise en pratique dans les activités de la vie quotidienne.

La prothèse finale prescrite après l'entraînement, à la sortie du centre, doit être réalisée après avoir rencontré un orthoprothésiste de ville. Une telle prothèse doit subir une maintenance une fois par an et se remplace environ tous les trois à cinq ans.

Le coût de la mise en oeuvre et de l'adaptation de la prothèse avec la fourniture de la main est totalement pris en charge dès validation de l'essai par l'équipe.

Sur demande, chaque fabricant doit mettre à disposition de l'équipe pluridisciplinaire une main pour l'essai du patient.

Ce type de séjour peut aussi concerner des patients ayant subi une amputation partielle de la main. On remplace alors trois à cinq doigts avec le même type de commande et de technologie. Un seul fabricant à ce jour : OSSÜR qui utilise les doigts de sa main complète et propose un bracelet-poignet de connexion.

Quelles évolutions envisagez-vous pour ces prothèses encore moyennement intelligentes ?

Il existe déjà au moins deux dispositifs de commande de prothèse myoélectrique qui, grâce à un ensemble d'électrodes miniatures (8 à 16) et à un algorithme ultra-performant, permettent d'interpréter l'ensemble de ces signaux et de les convertir en mouvements. Ce type d'intelligence artificielle permet déjà d'exploiter certaines mains en facilitant la commande de la prothèse par l'utilisateur. Actuellement pas de prise en charge autrement que par des assurances suite à des événement avec tiers responsable.

Les prothèses que nous utilisons n'ont pas encore de retour sensitif et ne sont pas actionnables par des interfaces neuronales dont le développement est en cours.

J'espère que, d'ici dix à quinze ans, l'industrie pourra proposer des prothèses « intelligentes » avec un protocole accessible à tous les patients.


Myriam DESBORDES

Orthoprothésiste - titulaire d'un Master Ingénierie des Services de Santé, est Cadre de Rééducation au Centre de Réadaptation de Coubert. Myriam est aussi Responsable de l'Espace HANDI+ de l'UGECAM Île-de-France.

 

 

Auteurs

Myriam Desbordes
Licencié ès Sciences Economiques (73), Diplômé IAE Paris (86)

Consultant dans le domaine de l'énergie et du numérique Voir les 11 autres publications de l'auteur

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